mercredi 27 février 2013

Massillon – une petite biographie



Jean-Baptiste Massillon naît le 27 juin 1663 à Hyères (Provence), au sein d’une famille bourgeoise ; son père est notaire.

Il reçoit son éducation scolaire dans le collège de la congrégation de l’Oratoire à Hyères. A l’âge de 18 ans, il rejoint lui-même la congrégation, en devenant novice à Aix-en-Provence. Par la suite, il étudie la théologie à Arles et il enseigne les belles-lettres dans plusieurs collèges de l’Oratoire, comme à Pézenas, à Marseille et à Montbrison. C’est à Vienne qu’il est ordonné prêtre en 1692. Ses dons d’orateur sont vite repérés ; on lui demande de prononcer l’oraison funèbre de M. de Villars, archevêque de Vienne (1693), et un peu plus tard, celle de M. de Villeroi, archevêque de Lyon. Ces discours sont remarqués et ont pour effet que l’Oratoire destine le jeune prêtre au ministère de la chaire ; ils lui ouvrent également les portes de la haute société de Vienne.

En 1695, Massillon quitte Vienne pour Lyon. En 1696, le nouveau supérieur général de l’Oratoire, le Père de la Tour, veut le faire venir à Paris, mais Massillon s’est retiré à la Trappe de Septfonds. Il semblerait que le jeune prêtre hésite devant la carrière à laquelle on le destine et cherche la volonté de Dieu à cet égard. Après un séjour de quelques mois, il sort du monastère de Septfonds. Le cardinal de Noailles lui fait reprendre les habits de l’Oratoire et le fait nommer directeur du séminaire de Saint-Magloire à Paris. Il s’y entraîne pendant plus d’un an à l’éloquence religieuse, devant un public de jeunes prêtres.

En 1698, il prêche son premier carême à Montpellier ; ces sermons n’ont pas été conservés.

Le Père de la Tour le fait ensuite prêcher son premier carême parisien à l’Oratoire du Louvre (qui n’est, à cette époque, pas encore un temple protestant). C’est un grand succès. L’abbé Le Dieu va jusqu’à écrire : « Il mérita de passer de plein saut de la chaire des Pères à celle du château de Versailles. » En effet, le cardinal et son frère, le duc de Noailles, s’affairent pour que ce prédicateur d’exception puisse prêcher devant le roi, entre autres en le présentant à Mme de Maintenon.

C’est en 1700 que Massillon prêche pour la première fois devant Louis XIV, à l’occasion de l’avent. Ses sermons semblent avoir fait forte impression sur le roi ; il semblerait qu’il ait dit à Massillon : « Mon Père, j’ai entendu plusieurs grands orateurs, j’en ai été fort content. Pour vous, toutes les fois que je vous ai entendu, j’ai été très mécontent de moi-même. »

C’est d’ailleurs un trou de mémoire devant le monarque qui a conduit Massillon à apprendre ses sermons par cœur, comme le rapporte l’abbé Grégut : « Massillon se défiait de sa mémoire, qui, pourtant, le servait avec complaisance ; mais dans des circonstances graves, elle lui avait manqué de fidélité et l’orateur lui garda rancune. Un jour où il prêchait devant Louis XIV, une malencontreuse distraction survint et il s’arrêta net. Le roi avait infiniment d’esprit : « Laissez-nous, mon Père, dit-il, réfléchir un instant aux belles choses que vous nous dites ». Remis sur pied par cette parole pleine d’un délicat à-propos, Massillon acheva son discours mais il prit le parti désormais d’apprendre entièrement ses sermons par cœur. » 

Il prononce plusieurs oraisons funèbres, dont celles du prince de Conti en 1709, celle du Dauphin en 1711 et celle de Louis XIV en 1715. Cette dernière commence avec les paroles célèbres : « Dieu seul est grand, mes frères, et dans ces derniers moments surtout, où il préside à la mort des rois de la terre : plus leur gloire et leur puissance ont éclaté, plus, en s’évanouissant alors, elles rendent hommage à sa grandeur suprême : Dieu paroît tout ce qu’il est; et l’homme n’est plus rien de tout ce qu’il croyoit être.‎ »

Les années 1717 et 1718 lui apportent deux distinctions importantes, malheureusement incompatibles entre elles : la charge d’évêque de Clermont et un siège à l’Académie.

Le 11 novembre 1717, le Régent lui offre l’évêché de Clermont, charge que Massillon considère à la fois comme un honneur et une « servitude pénible ». L’ancien évêque, M. Saron, étant mort en août 1715, le poste avait d’abord été proposé à M. d’Entragues, mais celui-ci l’avait refusé, soit pour des raisons de santé, soit parce qu’il considérait le poste trop médiocre. Par ailleurs, Massillon n’aurait pas pu accepter cette vocation si le financier Antoine Crozat n’avait pas réglé les 27 000 livres que demandait la cour romaine, ce qui était déjà une somme réduite de moitié, faveur accordée au célèbre prédicateur.

A la demande du Régent, Massillon prêche le « Petit Carême » devant Louis XV (alors âgé de 8 ans) et sa cour. Il reçoit l’onction épiscopale le 21 décembre 1718, quelques jours après la confirmation de sa nomination par Clément XI.

Le 29 décembre de la même année, il est élu à l’Académie pour remplacer l’abbé de Louvois. Le 3 janvier 1719, il prête serment devant le Roi, le 23 février il est reçu à l’Académie par l’abbé de Fleury. C’est d’ailleurs la seule fois qu’il se rend à l’Académie. Dans son discours de réception, il dit : « Heureux, si n’étant pas capable de partager avec vous la gloire de vos travaux, je pouvois du moins en être ici le témoin et l’admirateur, et si, appelé ailleurs par le devoir, le regret de ne pouvoir jouir long-temps de l’honneur que vous me faites, n’égaloît le plaisir que je sens de l’avoir reçu. »

Massillon prend possession de son siège épiscopal le 29 mai 1719, en faisant fi des coutumes locales.

Le 25 octobre de la même année, il revient à Paris pour intervenir, à la demande du Régent, auprès du cardinal de Noailles, pour que celui-ci s’abstienne de sacrer M. de Lorraine et M. de Castries comme évêques de Bayeux et de Tours. Cette tentative de médiation ne semble pas avoir été couronnée de succès.

En 1720, il revient encore une fois à Paris, à l’occasion du sacre de l’abbé Dubois, un proche du Régent, comme archevêque de Cambrai. Dubois avait sollicité la présence de Massillon, à cause de sa grande renommée de vertu, semble-t-il. L’abbé Dubois étant un personnage aux mœurs douteuses, il s’agit là, à en croire Champomier, d’une affaire « cruelle pour [le] repos et [la] renommée » de Massillon, et qui lui a été reprochée par la suite. Mais l’évêque de Clermont ne semble pas s’en être voulu d’avoir pris part à cette affaire, par fidélité au Régent et en vue de l’accord (hésitant) du pape Clément XI.

Massillon demeure à Paris le reste de l’année, retenu par sa participation dans le Conseil de Conscience (avec les cardinaux de Rohan et de Bissy) qui cherchait alors à ramener le cardinal de Noailles dans une pleine soumission au pape et à la Régence. Mais, en 1721, il décide de se retirer de ce Conseil (il y est remplacé par l’archevêque de Rouen) et il part pour Clermont le 12 février 1721.

Il s’y investit à fond dans le travail épiscopal. Le 20 avril, il commence sa première visite pastorale, une visite qui a failli mal se terminer lors de son étape à Riom, le 26 avril. Jean Champomier raconte cet événement haut en couleurs : « L’évêque visita d’abord Saint-Aimable, alors collégiale opulente. … On y conservait un grand nombre de reliques et surtout on y vénérait la châsse de saint Amable, patron de la localité. Massillon fit ouvrir cette châsse pour vérifier les reliques. Aussitôt le zèle naïf du peuple s’enflamme. S’imaginant qu’on veut dérober leur pieux trésor, les habitants se pressent dans l’église avec des cris et des gestes menaçants. Repoussé, insulté, frappé même, dit-on, par un boulanger, le prélat se réfugie dans la sacristie, d’où il parvient avec peine à gagner sa voiture. La foule furieuse le poursuit ; entouré d’archers, il fuit rapidement à travers les rues encombrées pour aller chercher un asile au collège ; mais durant le trajet, la multitude ne quitte pas sa proie, vociférant et lançant des pierres qui brisent les glaces de son modeste carrosse. » L’évêque reste néanmoins à Riom le lendemain, puis il poursuit sa visite. Ce n’est qu’en 1730 qu’il réussira à interdire le culte rendu aux « pierres de saint Etienne », d’autres reliques douteuses conservées à Riom.

A cette époque, la santé de Massillon commence à se détériorer ; il souffre de calculs rénaux.

Le 13 février 1723, il revient à Paris une dernière fois, pour prononcer l’oraison funèbre de la mère du Régent, la princesse Palatine.

La première visite générale du diocèse se poursuit dans les années 1723 à 1729. Une seconde visite a lieu entre 1730 et 1737. Massillon semble avoir trouvé une certaine sérénité dans sa charge d’évêque, loin de Paris et de la cour. Sa vie modeste, sa tendresse pour ses ouailles et son attachement tout particulier aux pauvres semblent lui avoir valu l’amour des gens. Il lui arrive néanmoins de regretter les jours où il était au centre de la vie intellectuelle. Ainsi, il écrit, dans un lettre adressée à Antoine Danchet, membre de l’Académie : « Nous sommes à plaindre dans nos provinces, nous n’y pouvons conserver quelques restes de bon goût que par réminiscence. Des fonctions sérieuses, les sociétés qui nous environnent, l’air que nous respirons, tout nous épaissit. Vous nous redonnez une étincelle de ce premier esprit que vous puisez à la source et vous prévenez une extinction totale quand vous, Monsieur et vos autres confrères, nous font l’honneur de nous communiquer quelques-uns de leurs ouvrages. »

Massillon se félicitait d’avoir apaisé les tensions entre jésuites et jansénistes dans son diocèse dont il disait qu’il était « le plus paisible du royaume », mais il semble néanmoins avoir clairement pris position contre les jansénistes, notamment en soutenant une « mission » tumultueuse conduite par le père Bridaine à Clermont en 1740.

Massillon meurt le 28 septembre 1742 dans sa résidence campagnarde de Beauregard, à l’âge de 79 ans.

Son Petit Carême n’est publié qu’en 1745 et connaît un grand succès, au point que Voltaire, qui lui aussi appréciait Massillon, a pu dire : « Auprès d’un pot de rouge, on voit un Massillon. »

Son successeur à l’Académie est le duc Mancini-Mazarini ; c’est d’Alembert qui fait l’éloge de Massillon.

Source principale : Jean Champomier, Massillon, René Debresse, Paris, 1942, 157 p.

samedi 23 février 2013

Saurin - Premier sermon sur le renvoi de la conversion

Jacques Saurin (1677-1730)
Le contenu

Ce sermon s’ouvre par une citation d’Apocalypse 10, où un ange annonce qu’il n’y a plus de temps, que la patience de Dieu a des limites, ce qui conduit l’auteur à poser le verset qu’il veut commenter : Es 55.6 : Cherchez l’Eternel pendant qu’il se trouve, invoquez-le tandis qu’il est près. Cette invitation pousse Saurin à aborder le danger que courent ceux qui renvoient leur conversion à plus tard. Il se propose d’examiner ce danger en adoptant, tour à tour, le point de vue anthropologique, scripturaire et expérimental, en consacrant un sermon à chaque aspect. Ce premier sermon aborde donc la question en considérant la nature de l’homme.

Saurin part du principe que deux éléments doivent être réunis pour qu’il puisse y avoir conversion : l’âme doit être illuminée, ce qui implique une démarche impliquant l’intellect, et elle doit être sanctifiée, c’est-à-dire la vérité perçue doit se muer en obéissance, de manière à devenir la disposition dominante du chrétien.

Illumination

L’âme est unie au corps et subit son influence. Or le vieillissement de l’homme fait qu’il lui est de plus en plus difficile de s’ouvrir à de nouvelles lumières. Par conséquent, les habitudes prises dans la jeunesse s’avèrent cruciales. Saurin signale deux dangers qui guettent le jeune homme : celui d’accepter la foi de ses pères sans la soumettre à un examen : la superstition, et celui de l’abandon de la foi, pour se donner bonne conscience : l’incrédulité. Les deux attitudes s’ancrent chez l’homme et deviennent des habitudes de plus en plus difficiles à surmonter. Lorsque l’homme atteint l’âge où les passions se calment, il est figé dans ses idées et dans les souvenirs de sa jeunesse.

Saurin insiste sur le fait que l’homme est façonné par l’objet de ses préoccupations ; ainsi celui qui a passé sa vie à se préoccuper de choses matérielles devient incapable de saisir des réalités spirituelles. A cela s’ajoute le fait que les choses de ce monde ont le pouvoir de distraire et d’accaparer l’homme, à prendre possession de son esprit. Tout cela contribue à rendre la conversion plus difficile, à mesure que le temps s’écoule.

Sanctification

Saurin revient sur l’affirmation que l’amour de Dieu doit être la disposition dominante chez l’homme : « pour être converti, il faut avoir un fonds et une habitude d’amour pour Dieu ». Une fois que ce principe est admis, le danger du renvoi de la conversion s’ensuit, car une telle habitude ne peut pas s’acquérir sur le lit de mort.

Le prédicateur pose deux principes : Premièrement, on ne peut pas acquérir une habitude sans effectuer les actes correspondants ; une habitude se forme par des actes réitérés, par le travail et par la peine. Pour progresser dans l’amour de Dieu, il faut donc accumuler un « fonds de vertu ». Or il ne s’agit pas seulement de faire des actes de piété, mais encore de contrebalancer les actes vicieux que nous avons déjà accomplis en suivant notre inclinaison naturelle. Il ne faut donc pas seulement construire, mais aussi abattre, si on veut voir se former la vertu. Celui qui retarde sa conversion s’adonne à l’illusion de vouloir devenir pieux en un instant.

Deuxièmement, une habitude enracinée est très difficile, voire même impossible à corriger. Si l’on pèche avec liberté dans les commencements, la persistance dans le vice a pour résultat que le vice domine nos cœurs. Celui qui ne veut pas abandonner ses passions trop tôt et renvoie sa conversion à demain la rend d’autant plus difficile. Saurin insiste sur l’évolution du cerveau de l’homme qui perd peu à peu sa souplesse ; par conséquent, il ne suffit pas de cesser les actes qui ont produit une habitude pour que l’habitude se perde ; tout au contraire, il faut faire des actes contraires à ceux qui avaient formé l’habitude pour se défaire de celle-ci. Dix ans de charité ne sauraient contrebalancer vingt ans d’avarice.

Saurin aborde ensuite diverses objections. Il admet cinq situations où un homme peut soudainement abandonner une habitude : par la réflexion (mais cela arrive rarement aux vieillards), par des circonstances extraordinaires, en entendant des choses qu’il ignorait (mais ce n’est pas le cas de personnes qui ont vécu dans un contexte chrétien toute leur vie), par la perte de ses capacités (mais celle-ci ne change pas son cœur) et par une maladie mortelle (selon son degré d’avancement sur le chemin de la conversion).

La deuxième objection exprime le souci de voir les pécheurs les plus enfoncés dans le mal exclus du salut. Saurin admet que dans un tel cas, Dieu peut prêter son secours surnaturel pour permettre au pécheur de surmonter son penchant, mais il insiste sur le fait que cette nécessité devrait décourager quiconque à choisir la voie de l’endurcissement : ce serait insensé de vouloir compter sur le secours extraordinaire de l’Esprit après l’avoir outragé.

Une troisième objection invoque la possibilité que le danger imminent de la mort peut bouleverser un homme et le changer tout d’un coup. Saurin l’admet, mais souligne que l’heure de la mort n’est pas une heure propice à la conversion, parce que cette heure apporte son lot de distractions, parce que la mort qui nous frappe n’est pas nécessairement de celles qui permettent la contemplation, parce que les souffrances du corps ou son délabrement peuvent la rendre quasi impossible. Et même lorsque les circonstances s’y prêtent, la seule idée de mourir peut provoquer un tel trouble dans l’esprit du mourant qu’il est incapable de se convertir.

Saurin résume les grandes étapes de sa démonstration et exprime sa confiance en la validité de celle-ci : « comme j’ai dit, personne de vous est en droit de contester la doctrine que nous venons de vous enseigner : hérétiques, orthodoxes, tout le monde est engagé à la recevoir et vous n’avez rien à y opposer ». Conformément aux habitudes de son temps, il ajoute encore une deuxième partie, intitulée « application » dans laquelle il tire les conséquences de ce qu’il vient d’établir.

Application

Dans la partie applicative du sermon, le prédicateur rappelle deux aspects majeurs de sa démonstration.

Premièrement, il insiste sur le fait qu’un homme est véritablement converti lorsque l’amour de Dieu est la disposition dominante de son cœur. Toutes les vérités de la foi ont pour but de nous faire aimer Dieu. C’est par là qu’on peut comprendre ce qu’est une bonne vie, et une bonne mort. Un bon chrétien n’est pas ce que le monde appelle « un honnête homme » ; la morale de Jésus-Christ n’est pas celle du monde – celle-ci ne permettra pas de résister au jugement. Non, il ne s’agit pas de devenir un « honnête homme » mais de cultiver l’amour de Dieu, pour que celui-ci devienne le principe dominant en nous.

Deuxièmement, Saurin revient sur la question des habitudes ; il faut du temps pour se libérer des mauvaises habitudes en pour en acquérir de bonnes. Il faut s’observer un peu et se convaincre que les vertus s’acquièrent par un travail persévérant, par des actes réitérés. Il ne s’agit bien entendu pas de nous appuyer seulement sur nos propres forces, mais l’Esprit aidera ceux qui s’emploient à devenir de bons chrétiens.

Saurin aborde ensuite ce qu’il appelle « l’endroit le plus difficile de cette méditation », en expliquant qu’en fin de compte, seulement deux voies s’offrent à l’homme : ou bien il cherche Dieu pendant qu’il se laisse trouver, en travaillant avec une sainte obstination à son salut, ou bien il s’exclut du salut en s’engageant sur le chemin qui mène à l’enfer.

Celui qui appelle le pasteur sur son lit de mort recevra peut-être des promesses de circonstance, dues à la faiblesse du pasteur et les contraintes de la situation, mais au fond cela est vain : sans la sanctification nul ne verra le Seigneur.

Saurin termine néanmoins sur une note d’espérance. Le temps de vengeance n’est pas encore venu, la grâce est encore à portée de main. Les jeunes ont encore toutes les dispositions nécessaires pour saisir l’offre de Dieu. Mais l’invitation s’étend aussi aux vieux : « en craignant, espérez, et en espérant, agissez ». La tâche est plus ardue, mais peut-être n’est-il pas encore trop tard, peut-être plaît-il à Dieu de faire grâce à celui qui, humainement parlant, se trouve dans une situation moins favorable.

Saurin invite donc tous à se convertir sans tarder, et à ne pas renvoyer la conversion. Il vante les multiples joies que procure la vie chrétienne : tout cela doit pousser l’homme à courir vers le salut que Dieu lui offre.

La forme

Le discours de Saurin est assez long (notre enregistrement dure presque une heure et demie) et donc assez exigeant envers l’auditoire. Il y a une structure qui s’ouvre à celui qui lit le sermon avec attention, mais elle ne semble pas évidente à la simple écoute. A la fin de la première partie, Saurin rappelle donc ce qui a été dit dans un « précis » qui est lui-même assez conséquent. Cela peut surprendre, mais, comme le signale Françoise Chevalier dans son ouvrage Prêcher sous l’Edit de Nantes, p. 34, beaucoup de fidèles ne se contentaient pas d’écouter la prédication : ils se procuraient par la suite le texte imprimé, ce qui devait leur permettre d’en avoir une meilleure intelligence.

La bipartition du sermon en une partie plus théorique et une partie d’application correspond également aux habitudes du temps.


Observations diverses

Il nous a paru intéressant de constater qu’un prédicateur réformé de sa trempe commence sa démonstration en trois points, non pas par l’exposé biblique, mais par une approche qu’on pourrait peut-être qualifier d’anthropologique. Si cela va à l’encontre des réflexes protestants, c’est probablement une bonne entrée en manière face à ceux que la prédication vise en premier lieu : les personnes non converties. A cet égard, on peut noter une particularité dans l’utilisation du mot « chrétien » chez Saurin. Il désigne par là des personnes vivant dans la sphère d’influence du christianisme mais qui ne sont pas nécessairement converties. Ainsi, il peut parler « d’un chrétien qui a réfléchi mille et mille fois sur les vérités de la religion et à qui on a mille et mille fois proposé les motifs de conversion et de pénitence, mais qui, s’y étant endurci, ne peut plus entendre de choses nouvelles sur cet article ».

On note avec intérêt que Saurin ouvre sa prédication par une citation d’un texte majestueux de l’Apocalypse, alors que celui-ci ne sert finalement que comme passerelle vers le texte fondamental d’Esaïe 55.6. C’est une entrée en matière stimulante, qui ne manque pas de retenir l’intérêt de l’auditoire.

L’ensemble du sermon nous a paru à la fois clair et intéressant ; on ne s’y ennuie jamais. Saurin varie les approches, se montre tantôt menaçant, tantôt ironique, tantôt rassurant. La partie consacrée à l’application montre une certaine finesse psychologique. Saurin sait où il veut amener son public, mais il annonce la couleur et ne cède pas à la tentation de la manipulation.

Une faiblesse réside peut-être dans le fait que la structure n’est pas limpide et, même en travaillant sur le texte imprimé, il ne nous a pas semblé aisé de dégager le plan du sermon. Il nous semble que le prédicateur aurait pu simplifier la tâche de son auditoire en balisant davantage.

Mis à part ce détail, il nous semble que ce sermon n’a rien perdu de son intérêt et de sa puissance, et nous n’hésiterions pas à le faire lire à des personnes tentées par le renvoi de leur conversion.

Vous trouverez ce texte, ainsi que le texte du sermon (original et version mise à jour) et un enregistrement audio sur mon site consacré à la grande prédication française (ici).

lundi 18 février 2013

Bossuet – une petite biographie



Jacques-Bénigne Bossuet naît le 27 septembre 1627 à Dijon, dans une famille de la petite noblesse ; son père et son grand-père étaient avocats au parlement de Bourgogne.

Jacques-Bénigne est destiné à une carrière ecclésiastique dès son plus jeune âge. Il est symboliquement « tonsuré » le 6 décembre 1635 par l’évêque de Langres. En 1636, il entre dans le collège des jésuites de Dijon, où il reste jusqu’en 1642.

Son père quitte Dijon pour la Lorraine en 1638 pour devenir le doyen des conseillers du parlement de Metz. Le 20 novembre 1640, à l’âge de 13 ans, Jacques-Bénigne est nommé chanoine de la cathédrale de la ville.

Le jeune Bossuet part à Paris pour ses études. En octobre 1642, il entre au collège de Navarre où il fait deux années de philosophie. En août, il obtient le grade de maître ès arts, puis il entre en théologie, toujours au collège de Navarre. En janvier 1648, il soutient sa thèse de baccalauréat, puis il passe deux ans à Metz où il régularise sa situation comme chanoine.

En septembre 1648, il est ordonné sous-diacre à Langres, et en septembre 1649 diacre à Metz. Pendant cette période, il s’exerce à la prédication.

En janvier 1650, il retourne à Paris faire sa licence de théologie ; il est reçu licencié en février 1652, au 3e rang, puis ordonnée prêtre en mars, et reçu docteur en mai de la même année.

Par la suite, il retourne à Metz où il remplit ses devoirs de chanoine. Il est nommé archidiacre de Sarrebourg, puis, en 1654, « grand archidiacre » de Metz. Dans le cadre de ces fonctions, il siège à l’assemblée des Trois ordres de la ville. Lorsque le prince de Condé, passé au service de l’Espagne, menace et rançonne Metz, Bossuet est chargé de négocier avec les hommes du prince, ce qui lui fait découvrir le monde de la guerre. Par ailleurs, il prêche beaucoup, à la cathédrale et chez les sœurs de la « Propagation de la foi », une œuvre destinée à accueillir de jeunes filles protestantes et juives désireuses de se convertir au catholicisme, dont Bossuet devient le supérieur. Il se fait une renommée dans les milieux dévots. Il fait aussi ses premiers pas dans le domaine de la controverse religieuse en publiant, en 1655, sa Réfutation du catéchisme de sieur Paul Ferri, ministre protestant de Metz.

Il fait un séjour prolongé à Paris, de juillet 1656 à septembre 1657, ce qui lui permet de prêcher devant des auditoires prestigieux.

A l’automne 1657, la Cour réside à Metz, ce qui semble également avoir amené Bossuet à rentrer dans sa ville. Il y prêche notamment devant la reine mère, Anne d’Autriche.

En 1659, il s’installe de nouveau à Paris, tout en restant chanoine de Metz, où il retourne de temps en temps. Il siège souvent dans des jurys de thèse à la faculté de théologie. C’est aussi la période de ses prédications les plus célèbres.

En septembre 1669, à l’âge de 42 ans, il est nommé à l’évêché de Condom par Louis XIV. Il est sacré le 21 septembre 1670. Mais quelque jours avant son sacre, il est nommé précepteur du dauphin Louis (alors âgé de neuf ans), en remplacement d’Octave de Périgny, président au parlement de Paris, qui venait de mourir.

Pendant dix ans, Bossuet se consacre à cette tâche ingrate qui semble avoir été pour lui une source d’amertume, mais qui lui a permis d’être élu à l’Académie française, en mai 1671. Il démissionne de son évêché de Condom en septembre 1671, sans avoir mis le pied dans cette ville. Sa prédication se fait également très rare pendant cette période, qui lui permet néanmoins de nouer des liens importants avec le monde lettré et savant.

Sa mission de précepteur du dauphin ayant pris fin en 1680, Bossuet est nommé à l’évêché de Meaux en mai 1681 ; en septembre de la même année, il est élu député à l’Assemblée générale du clergé de France. Il prend possession de sa charge épiscopale en janvier 1682. Jean-Louis Quantin dit de cette période que « l’influence de l’évêque de Meaux à la Cour semble avoir été à peu près nulle ». Bossuet s’engage dans la polémique contre tous les adversaires de l’Eglise catholique et devient l’un des artisans du gallicanisme. Il se lance dans la polémique antiprotestante (il publie, en 1688, son Histoire des variations des Eglises protestantes) mais aussi dans la querelle quiétiste, une lutte qui l’oppose à Fénélon, qui sera finalement condamné par le pape Innocent XII en mars 1699. Bossuet domine l’Assemblée du clergé en 1700 et y fait condamner les erreurs jansénistes, semi-pélagiennes ou « laxistes ». L’évêque de Meaux se bat sur tous les fronts : contre les jansénistes, contre Molière et la comédie, les cartésiens, etc., au point qu’on a pu le considérer comme le « gendarme du catholicisme ».

Pendant les dernières années de sa vie, il se déplace souvent entre son diocèse, Versailles (où il assiste souvent au lever du roi) et Paris. Son état de santé se dégradant, il se fixe à Paris en 1703. Il y meurt le 12 avril 1704, à l’âge de 76 ans.


Sources principales :
  • Jean-Louis Quantin, Bossuet et son temps, in : Gérard Ferreyrolles et al, Bossuet (Colloque de la Sorbonne), PUPS, 2008, Paris, 268 p.
  • Chronologie de la vie de Bossuet, in : Bossuet, Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1961, Paris, 1573 p.

Egalement publié sur mon site consacré à la grande prédication française (ici).

mardi 12 février 2013

Coquerel sur Adolphe Monod



Athanase Coquerel père (1795-1868), collègue pasteur et adversaire libéral de Monod au Temple de l’Oratoire à Paris, écrit dans son ouvrage Observations pratiques sur la prédication (1860), p. 257s :

« … Certes, en tous ces exemples, l’art se met au service de la foi. Croira-t-on cependant que l’on ait soutenu récemment le principe suivant : plus la prédication fleurit dans une église, moins la vie religieuse s’y développe ? Ce paradoxe doit d’autant plus surprendre de la part de l’opinion qui semble vouloir l’accréditer, que le dernier exemple d’une prédication éminente, dans cette ligne de croyances, donne à cette étrange idée un double démenti. Je fais allusion à la carrière de pasteur et de professeur et à la renommée d’Adolphe Monod ; il ne me convient de me poser ici ni comme son critique, ni comme son panégyriste. Mais je dirai seulement que cette crainte, d’une importance exagérée donnée à l’éloquence de la chaire, n’animait point sans doute ceux qui lui ont demandé de quitter le poste de professeur pour celui de suffragant, et d’autre part, si jamais prédication chrétienne a été marquée au coin de l’art le plus étudié, ce fut la sienne. On sait avec quelle persévérance ses sermons les plus remarqués étaient travaillés ; il les recorrigeait sans cesse, à mesure que, dans ses courses missionnaires il les portait d’église en église, et dans son débit qui pouvait méconnaître une exploitation très-habile et très-réfléchie des ressources de l’art oratoire, qui certes n’enlevait rien à l’énergie de ses convictions ? … »

Aussi publié sur mon site consacré à Adolphe Monod (ici).

Coquerel on Adolphe Monod



Athanase Coquerel the Elder (1795-1868), who was a pastor at the Temple de l’Oratoire in Paris at the same time as Adolphe Monod and an arduous advocate of liberal theology, writes in his book Observations pratiques sur la prédication (Practical observations on preaching, 1860), p. 257:

*** Translation of the French original ***

“… To be sure, in all of these examples, art serves faith. Having said this, it is almost unbelievable that some have recently set forth the following principle: the more preaching flourishes in a Church, the less religious life develops in it. This paradox is all the more surprising on behalf of those who appear to want to accredit it because the latest example of outstanding preaching in their line of convictions constitutes a double denial of this strange idea. I refer to the career of Adolphe Monod as a pastor and professor, and his reputation. I do not wish to present myself as his critic or panegyrist. All I want to say is that those who asked him to give up his post as a professor to become a suffragan most certainly were not animated by the fear of pulpit eloquence being considered more important than it should. Also, if ever Christian preaching was the fruit of thoughtful artistry, it was his. It is well known that his most noted sermons were elaborated with great perseverance; he constantly improved them when he went from church to church during his missionary travels. His oratorical delivery was also the result of a very skilful and thoughtful exploitation of the resources of oratorical art, which most certainly did not diminish the power of his convictions …”

Also published on my Adolphe Monod website (here).

Coquerel über Adolphe Monod



Athanase Coquerel der Ältere (1795-1868), Adolphe Monods Pastorenkollege am Temple de l’Oratoire in Paris und liberaler Widersacher desselben, schreibt in seinem Buch Observations pratiques sur la prédication (Praktische Beobachtungen zur Predigt, 1860), Seite 275 ff :

*** Übersetzung aus dem Französischen ***

„ ... Gewiß, in all diesen Beispielen ist die Kunst im Dienst des Glaubens. Ist es zu glauben, daß jemand vor kurzem folgendes Prinzip verteidigt hat: je besser die Predigt in einer Kirche aufblüht, umso weniger entwickelt sich das religiöse Leben in ihr. Dieses Paradoxon ist umso überraschender im Munde derer, die es verkünden, als das letzte Beispiel einer herausragenden Predigt in dieser Gruppe von Gläubigen dieser Idee doppelt widerspricht. Ich beziehe mich dabei auf die Laufbahn von Adolphe Monod als Pastor und Professor und auf seinen Ruf. Ich möchte mich hier nicht zu seinem Kritiker oder Lobredner machen. Ich mache nur darauf aufmerksam, daß diejenigen, die ihn gebeten haben, sein Professorat aufzugeben, um Suffragan zu werden, ganz bestimmt nicht von der Angst beseelt waren, der Kanzelberedsamkeit eine allzugroße Aufmerksamkeit zu schenken. Außerdem, wenn man von irgendeiner christlichen Predigt sagen kann, daß sie mit wohlbedachter Kunstfertigkeit geschaffen wurde, dann war es seine. Es ist bekannt, wie sehr seine bemerkenswertesten Predigten ausgearbeitet waren; er verbesserte sie ständig, besonders wenn er sie im Laufe seiner missionarischen Reisen von Kirche zu Kirche trug. Was seinen Redefluß betrifft, war seine überaus geschickte und wohlüberlegte Handhabung der Redekunst nicht zu übersehen, was aber keineswegs die Kraft seiner Überzeugungen minderte. ...“

Auch auf meiner Adolphe Monod Website veröffentlicht (hier).

samedi 9 février 2013

Guizot sur Adolphe Monod


Guillaume Guizot, le fils du célèbre homme d’état et historien François Guizot (1787-1874), a rédigé cet article publié dans le « Journal des débats politiques et littéraires » le 11 avril 1856, quelques jours seulement après les obsèques d’Adolphe Monod. Guizot reste fidèle à la maxime de mortuis nihil nisi bene, mais son article est intéressant parce qu’il témoigne de l’effet que la mort du prédicateur avait fait sur la bonne société protestante de Paris et parce que nous y apprenons quelque chose sur les qualités oratoires de Monod dont le lecteur de ses sermons est malheureusement privé.

Un article fort intéressant sur Guillaume Guizot se trouve sur le magnifique site consacré à François Guizot (ici).

M. Adolphe Monod

Le Journal des Débats annonçait, il y a trois jours, la mort de M. Adolphe Monod. Ses obsèques ont eu lieu mardi, à une heure. La foule était grande, la perte est immense. Tous les protestans, même hors de France, savent ce que M. Adolphe Monod était pour les églises protestantes françaises et même en dehors des églises protestantes, tous ceux qui ont entendu sa voix ou lu ses écrits, tous ceux qui ont l’esprit assez élevé, qui ont assez l’esprit de l’Evangile pour reconnaître la vie et l’éloquence chrétiennes dans quelque communion que ce soit, éprouveront aussi de vifs regrets. De l’aveu de tous, l’homme excellent que nous venons de perdre était un des premiers orateurs chrétiens de son temps. Dieu souvent met sa force en d’humbles instrumens qui alors accomplissent par lui et pour lui de vrais miracles, et dont chaque triomphe profite d’autant plus à leur maître, qu’ils ont d’abord triomphé en son nom de leur propre insuffisance. Mais souvent aussi, pour honorer à la face du monde sa loi et son Eglise, Dieu veut attirer à lui un homme qui de lui-même se serait signalé partout, qui aurait été un des élus de la gloire humaine quand même il n’eût pas été un des élus de la vérité divine, et qui vient rendre à la religion des simples et des faibles cet autre témoignage qu’elle est une religion aussi bien faite pour les intelligences les plus fortes et pour les plus grands cœurs et alors l’orgueilleuse et égoïste humanité, voyant tour à tour ses rébellions vaincues par ceux qu’elle était tentée de mépriser et désertées par ceux en qui elle espérait s’exalter elle-même, poussée à bout par ce double démenti à sa propre idolâtrie, admirant dans le Dieu qui appelait à lui les petits enfans et s’inclinait sur leurs têtes naïves le même Dieu qui, tout enfant encore, parlait le front haut devant les Pharisiens confondus, est bien forcée d’avouer pour son roi celui qui la domine là où elle se sent puissante, comme il la soutient là où elle se sent débile. La foi, l’éloquence, l’humilité chrétiennes de M. Adolphe Monod, surtout cette humilité qui voilait à ses yeux et ne faisait que parer aux yeux des autres un talent si rare et si original, ont fait de lui un de ces exemples imposans, une de ces leçons vivantes qui vengent l’Evangile de tous les dédains. C’est un des traits saillans de M. Adolphe Monod d’avoir été un penseur et un orateur original, tout en demeurant avec constance, avec scrupule, je dirai même avec une obéissance passionnée, le disciple de l’Evangile. Nul ne s’est tenu plus fortement attaché à ce « rocher des siècles » dont parle le poète anglais. Nul aussi n’en fit jaillir plus de sources nouvelles. C’était un chrétien soumis, employant à la tache qui lui avait été commandée les richesses d’une nature très indépendante et très inventive. Lui-même il a, sans y songer, éclairé indirectement ce mérite qui lui est propre, en cherchant à expliquer, à propos de saint Paul, comment Dieu laisse subsister l’homme dans ceux qu’il choisit pour ses interprètes et qu’il marque de son sceau. « L’esprit de Dieu, dit-il, s’unit à l’esprit de l’homme dans l’inspiration, à peu près comme la nature divine à la nature humaine dans l’incarnation. Que si le fils de Dieu présent en Jésus-Christ n’empêche pas la participation douloureuse du fils de l’homme au salut enfanté, la parole divine vibrant dans la parole humaine de l’apôtre n’empêche pas la participation laborieuse de la parole humaine au salut annoncé. Dieu et l’homme dans le premier cas, l’esprit de Dieu et l’esprit de l’homme dans le second, ne s’amoindrissent pas mutuellement ils sont tout entiers à côté l’un de l’autre. Aussi, chacun des mots qu’on peut prendre comme au hasard sur la première page venue de notre apôtre, pour être trouve dans les régions célestes de l’esprit divin, n’en est pas moins cherché dans le fond intime de l’esprit humain, dans les leçons de l’expérience, dans les amertumes de l’épreuve, dans la formation et le développement de l’homme nouveau, dans tout le long apprentissage de la vie spirituelle. » Ce que M. Monod disait ainsi de l’inspiration de saint Paul était aussi vrai de l’éloquence de M. Monod. D’autres raconteront par quelle suite de travaux, par quelle ardente recherche de la vérité, par quels combats intérieurs cette âme austère et tendre se fortifia et s’assouplit pour l’exercice du saint ministère. Mais quiconque a entendu quelques sermons de M. Adolphe Monod peut attester que, plus le texte en était connu et les pensées littéralement tirées du texte, plus on était étonné de la vie inattendue que versait dans tout le discours la personne même de l’orateur. Un plan très net, des vues très larges, un coup d’œil très sagace à pénétrer les replis et les ruses des cœurs, mille expressions poétiques ou consacrées de l’Ecriture sainte qui s’échappaient comme involontairement de sa mémoire et doublaient l’autorité de sa parole, un grand art pour choisir, dans l’histoire de l’ancienne alliance ou du christianisme, des exemples qui illustraient ses idées, un sentiment profond des angoisses et des faiblesses particulières à ce temps-ci, la hardiesse de toujours aller droit au point où la raison lui semblait le plus embarrassée, beaucoup de finesse et d’imagination dans le langage, parfois une ironie sérieuse et douloureuse sur le compte des folies humaines, et par-dessus tout, l’impérieux besoin de convaincre, de gagner les âmes, la crainte continuelle de n’avoir jamais assez fait pour arracher le pécheur à sa sécurité qui le perd et l’amener à la foi qui le sauvera, l’insistance sympathique de ce chrétien qui semblait croire son propre salut compromis avec celui de ses frères s’il ne faisait pas les derniers efforts auprès d’eux et pour eux, et alors, à la fin de chaque sermon, après le sujet traité, les appels émus de trois ou quatre péroraisons successives, de plus en plus pressantes et belles, voilà ce qui avait conquis à M. Adolphe Monod son rang éminent au sein de l’Eglise protestante. Tous ceux de ses discours qui ont été imprimés survivent à cette épreuve et survivront à celle du temps. Mais son accent pénétrant, sa figure grave, fatiguée, illuminée par un feu secret, sa voix, vibrante et sincère, son geste sobre, toute cette partie de l’éloquence qu’on appelle l’action, et qui, en lui mieux qu’en aucun autre peut-être, méritait ce nom, tant il était préoccupé d’agir par sa parole et de réaliser l’Evangile dans tous les cœurs ! c’étaient autant de forces de plus ajoutées à la force de ses pensées et de son style, et pour bien connaître la puissance de sa prédication, il faut y avoir assisté. En apprenant sa mort, un de ses auditeurs assidus de ses dernières années racontait qu’après une assez longue absence, après dix-huit mois passés à l’étranger, il avait le lendemain de son retour entendu M. Adolphe Monod prêcher sur ce texte : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive », et exposer avec un singulier éclat comment ne peuvent se satisfaire qu’en Dieu tous les désirs de bonheur, de lumière, d’amour, de pureté qui sont la gloire et le tourment de l’homme ; et étant alors justement à l’âge où toutes les soifs s’éveillent et où l’âme, à défaut des sources véritables et vives, est prête à accepter tous les mirages, le jeune auditeur de M. Monod nous disait avoir gardé de ce discours une telle impression, que depuis lors aucun des anciens chefs-d’œuvre de la chaire chrétienne ne l’avait satisfait également, et qu’il pouvait encore, pour nous faire comprendre et partager son émotion durable, nous en réciter de longs passages, à plus de six ans de distance, comme s’il sortait d’entendre l’orateur. M. Adolphe Monod a laissé ainsi dans bien des cœurs un aiguillon victorieux, et, pour lui emprunter encore ses propres paroles, il peut « prendre place parmi ces Chrysostomes ou ces Whitfields que des centaines d’âmes salueront au dernier jour comme leurs pères spirituels, parce qu’il ont mis au service de Jésus-Christ les beaux dons dont là nature les avait enrichis. » II est mort à cinquante-quatre ans, après une longue maladie et les plus cruelles souffrances, qu’il a non seulement supportées avec une résignation inaltérable, mais qu’il domptait même au point de pouvoir enseigner encore quelques fidèles réunis autour de son lit. Toute la semaine il recueillait ses forces pour cet emploi de ses derniers dimanches, et, l’heure venue, d’une voix toujours pleine, toujours douce, d’un esprit aussi sûr et d’une foi aussi sereine que jamais, il expliquait, il priait, il encourageait, comme s’il n’eût pas eu besoin de tout son courage pour ses propres épreuves. Il est ainsi resté jusqu’au bout fidèle à lui-même et à son œuvre ; et sur les figures profondément émues de tous ceux qui s’étaient réunis mardi dernier pour rendre hommage à sa mémoire, comme dans les discours prononcés sur sa tombe au nom de l’Eglise nationale, au nom de l’Eglise luthérienne, au nom des Eglises dissidentes, on voyait clairement que chacun ressentait sa perte comme un deuil commun à tous les protestans, parce qu’une grande lumière s’est éteinte au milieu d’eux, et comme un deuil privé que cause la mort d’un ami.

Guillaume Guizot

Aussi publié sur mon site consacré à Adolphe Monod (ici).

Guizot on Adolphe Monod

 
Guillaume Guizot, son of the famous French statesman and historian François Guizot (1787-1874) is the author of the following article published in the “Journal des débats politiques et littéraires” (Journal of polictical and literary debates) on April 11, 1856, i.e. a few days after the burial of Adolphe Monod. Guizot acts on the maxim de mortuis nihil nisi bene but his article is interesting because it shows the impact of the preacher’s death on the protestant high society of Paris and because Guizot tells us something on Monod’s oratorical skills which the reader of his sermons can only imagine.

A very interesting article (in French) on Guillaume Guizot can be found on the great site dedicated to François Guizot (here).

*** Translation of the French original ***

Adolphe Monod

Three days ago, the Journal des Debats has announced the death of Mr Adolphe Monod. His funeral has taken place on Tuesday at 1 o’clock. The crowd was large, our loss is immense. All protestants, even outside France, know what Mr Adolphe Monod meant to the French protestant churches, and even to those outside the protestant churches; all those who have heard his voice or read his writings, all those whose spirits lift themselves up high enough, all those who have enough of the Gospel spirit to acknowledge Christian life and eloquence, in whatever communion they are found, will share our deep regrets. As all admit, the excellent man whom we have lost was one of the foremost Christian speakers of his time. It often pleases God to bestow his force onto humble instruments which then accomplish real miracles through him and for him, and each of whose victories benefits their master all the more as they have at first overcome their proper inadequacy in his name. But often, in order to honour his law and his church before the world, it also pleases him to attract a man who would have made himself known anyway, who would have been one of the elect of human glory, even if he had not been an elect of divine truth, and who attests to the religion of the simple and the weak that it also fits the strongest intellects and the greatest hearts. Then haughty and self-serving mankind, seeing its rebellion defeated by those whom it was tempted to despise, and abandoned by those in which it hoped to exalt itself, pushed to its limits by this double refusal of its self-adulation, admiring in the God who called the little children to himself and bent over their little heads the very God who, when he was still a child, proudly spoke with the puzzled Pharisees, has to acknowledge as its king him who dominates it where it thought it was powerful and supports it where it felt weak. The Christian faith, eloquence and humility of Mr Adolphe Monod, and above all his humility, which both veiled his rare and original talents to himself and enhanced them in the sight of other people, made of him one of those impressive examples, one of those living lessons that humiliates all those who despise the Gospel. It is one of the prominent features of Mr Adolphe Monod that he was an original thinker and speaker and at the same time a very constant, scrupulous, I would even say passionately obedient disciple of the Gospel. No one has attached himself more strongly to the “rock of ages” of which an English poet speaks. No one has made more living waters flow from it. He was a submissive Christian, using the riches of a very independent and creative personality for the benefit of the task that had been assigned to him. He himself has unknowingly explained his own merit when, speaking of St Paul, he tried to explain, how God keeps the human personality intact in those who he chooses to be his spokesmen and whom he has sealed. “The Spirit of God, so he says, unites himself with the spirit of man when he inspires him, very much like the divine nature unites itself with the human nature when it incarnates. If the Son of God who is present in Jesus-Christ does not hinder the son of man from participating in the pain of bringing forth salvation, the divine word vibrating in the human word of the apostle does not hinder the human word from participating in the labour of announcing salvation. God and man in the first case, the spirit of God and the spirit of man in the second, do not attenuate each other, they remain intact, side by side. Thus any word taken randomly on any page written by our apostle, although it is found in the celestial regions of the divine spirit, can nonetheless be traced in the inmost depths of the human spirit, in the lessons of experience, in the bitterness of trial, in the shaping and development of the new man, in the long apprenticeship of spiritual life.” What Mr Monod said on the inspiration of St Paul also holds true for the eloquence of Mr Monod. May others tell the continued efforts, the ardent pursuit of truth and the inner conflicts that strengthened and softened this austere and tender soul for the exercise of the sacred ministry – whoever has heard sermons of Mr Adolphe Monod can testify that the more the text was well-known and the more the thoughts were literally drawn from the text, the more the listeners were surprised by the unexpected life that the very person of the speaker imparted to his discourse. A very clear structure, a very broad vision, a very penetrating look at the hidden corners and trickery of the hearts, thousands of poetic or fixed expressions of Holy Scripture that almost unintentionally escaped his memory and amplified the authority of his word, great mastery in choosing examples in the history of the old covenant and Christianity as illustrations, a deep feeling of the fears and weaknesses of this time, the boldness to come straight to the point where he felt reason was most embarrassed, a very fine and creative language, sometimes a whiff of grave and painful irony directed at human folly, and above all, the pressing need to persuade, to win souls, the persistent fear of not having done enough to snatch sinners away from the false security that is their ruin and to lead them to the faith that saves them, the kind insistence of this Christian who appeared to consider his own salvation as much in danger as that of his brothers if he did not give his utmost to and for them, and finally, at the end of each sermon, once the subject had been dealt with, the emotional appeals of three or four successive perorations, increasingly pressing and beautiful – all this has contributed to making him one of the foremost preachers in the protestant Church. All his sermons that have been printed stand that test and will stand the test of time. But his penetrating accent, his serious, tired face, illuminated by a secret fire, his trembling and sincere voice, his sober gesture, the part of eloquence that we call action and which in him deserved that name, perhaps more than in anybody else, because he was so anxious to act with his word and to fill all the hearts with the Gospel! The power of his thoughts and of his style was yet multiplied by all this: to know the power of his preaching, you had to attend. When he heard of Mr Monod’s death, one of his regular listeners during his last years told me that after a long absence, after 18 months abroad, he had heard Mr Adolphe Monod preach on “If anyone is thirsty, let him come to me and drink!” on the day after his return. The preacher had brilliantly exposed how all desires of happiness, of light, of love, of purity, which are the glory and torment of man, cannot be satisfied but in God. As he had just reached the age where all thirsts arise and where the soul that has not found the real and living water will accept any illusion, this young listener told me that Mr Monod’s speech had made such an impression on him that none of the older masterpieces of the Christian pulpit had been able to satisfy him in the same way since then. More than six years later, he was still was able to recite long passages in order to make us understand and share his lasting emotion, as if he had heard the speaker just before. Mr Adolphe Monod has succeeded in leaving such a spur in many a heart. To use his own words, he may “take place among the Chrysostoms or Whitefields which hundreds of souls will greet on the last day as their spiritual fathers, because they had used the beautiful gifts that nature had bestowed upon them to serve Jesus-Christ”. He has died at the age of fifty-four, after a long sickness and cruel sufferings which he bore not only with an invariable willingness but which he dominated so much that he could still teach some faithful friends gathered around his bed. All week long he gathered his forces so that he could use them on his last Sundays in that way, and when the time had come, he explained, prayed, comforted, with his unfading and soft voice, his mind as sure and his faith as tranquil as ever, as if he did not need all his strength for his own trials. Thus he was faithful to himself and to his work until the end. The faces of those who came together last Tuesday, deeply moved, to honour his memory, as well as the speeches given in the name of the national Church, the Lutheran Church and the Free Churches, clearly expressed that everybody considered his loss as a common bereavement shared by all protestants, because a great light among them has faded away, and as a personal bereavement caused by the death of a friend.

Guillaume Guizot

Also published on my website dedicated to Adolphe Monod (here)

Guizot über Adolphe Monod


Guillaume Guizot, der Sohn des bekannten französischen Staatsmanns und Historikers François Guizot (1787-1874) ist der Verfasser des nachfolgenden Artikels der im „Journal des débats politiques et littéraires“ (Zeitschrift für politische und literarische Debatten) am 11. April 1856, also wenige Tage nach der Bestattung Monods, veröffentlicht wurde. Guizot beachtet natürlich die Maxime de mortuis nihil nisi bene, aber sein Artikel ist interessant, weil er den Eindruck, den Monods Tod auf die feine protestantische Gesellschaft von Paris machte, widerspiegelt und weil Guizot uns allerhand über die rednerischen Fähigkeiten von Monod erzählt, die der Leser seiner Predigten leider nur erahnen kann.

Ein sehr interessanter Artikel (in französischer Sprache) über Guillaume Guizot findet sich auf der großartigen Website über François Guizot (hier).

*** Übersetzung aus dem Französischen ***

Adolphe Monod

Das Journal des Débats hat vor drei Tagen den Tod von Herrn Adolphe Monod bekanntgegeben. Seine Beerdigung hat Dienstag um 1 Uhr stattgefunden. Die Menschenmenge war groß, der Verlust ist riesig. Alle Protestanten, auch außerhalb Frankreichs, wissen, was Herr Adolphe Monod für die protestantischen Kirchen Frankreichs, und sogar außerhalb der protestantischen Kirchen, bedeutete. All jene, die seine Stimme gehört haben oder seine Schriften gelesen haben, all jene deren Geist sich hoch genug erhebt, die ein ausreichendes Maß des Geistes des Evangeliums haben, um das christliche Leben und die christliche Beredsamkeit als solche zu erkennen, in welcher Gemeinschaft auch immer sie sich finden mögen, werden großes Bedauern empfinden. Alle sind sich einig darüber, daß der herausragende Mann, den wir gerade verloren haben, einer der größten christlichen Redner seiner Zeit war. Gott vertraut seine Kraft oft bescheidenen Instrumenten an, die durch ihn und für ihn echte Wunder vollbringen. Jeder ihrer Siege ehrt ihren Herrn umso mehr, als sie zuerst in seinem Namen ihre eigene Unzulänglichkeit besiegt haben. Aber oft auch, um sein Gesetz und seine Kirche vor den Augen der Welt zu ehren, gefällt es Gott, einen Menschen an sich zu ziehen, der auch aus eigenem überall Aufsehens gemacht hätte, der auch dann menschlichen Ruhm erlangt hätte, wenn er nicht einer der Auserwählten der göttlichen Wahrheit gewesen wäre, und der der Religion der Einfachen und der Schwachen dieses Zeugnis ablegt, daß sie auch den größten Intelligenzen und Herzen genügt. Die hochmütige und egoistische Menschheit, die ihre Aufstände von denen bezwungen sieht, die sie verachten wollte, und von denen verlassen, in denen sie sich verherrlichen wollte, die von dieser doppelten Absage an ihre Selbstverherrlichung zur Verzweiflung getrieben wird, die in dem Gott, der die kleinen Kinder zu sich rief und sich über ihre unbefangenen Köpfe beugte, denselben Gott bewundert, der, als er noch Kind war, erhobenen Hauptes mit den betroffenen Schriftgelehrten sprach, sie sieht sich dann gezwungen, als ihren König den anzuerkennen, der sie da beherrscht, wo sie sich stark glaubt, ebenso wie er sie stützt, wo sie sich schwach fühlt. Der christliche Glauben, die christliche Beredsamkeit, die christliche Demut von Herrn Adolphe Monod, und ganz besonders diese Demut, die sein so seltenes und besonderes Talent seinen eigenen Augen unsichtbar und den anderen umso sichtbarer machte, haben aus ihm eines jener eindrucksvollen Beispiele, eine jener lebendigen Lektionen gemacht, die jeden erniedrigt, der auf das Evangelium herabschaut. Es war einer der herausragenden Züge von Herrn Adolphe Monod, daß er ein origineller Denker und Redner war, und dessen ungeachtet mit großer Beständigkeit, mit peinlicher Sorgfalt, ja ich würde sogar sagen mit leidenschaftlichem Gehorsam, ein Jünger des Evangeliums. Niemand hat sich stärker an diesen „Fels des Heils“, von dem der englische Dichter spricht, gebunden. Niemand hat mehr neue Quellen aus diesem hervorspringen lassen. Er war ein ergebener Christ, der die Arbeit, die ihm aufgetragen war, unter Zuhilfenahme der Reichtümer einer sehr unabhängigen und einfallsreichen Natur ausführte. Er selbst hat, ohne daran zu denken, diesen seine Verdienst indirekt erklärt, als er versuchte, in Hinblick auf Paulus verständlich zu machen, wie Gott den Menschen in denen, die er zu seinen Sprechern macht und denen er sein Siegel aufdrückt, fortbestehen läßt: „Der Geist Gottes, sagt er, vereint sich mit dem Geist des Menschen in der Inspiration, so ungefähr wie sich die göttliche Natur mit der menschlichen Natur in der Fleischwerdung vereint. Ebensowenig wie der Sohn Gottes, der in Jesus Christus gegenwärtig ist, die schmerzhafte Teilnahme des Menschensohns am Hervorbringen des Heils verhindert, ebensowenig verhindert das Wort Gottes, das in jedem menschlichen Wort des Apostels mitschwingt, die mühsame Teilnahme des menschlichen Wortes an der Verkündigung des Heils. Gott und Mensch im ersten Fall, Geist Gottes und menschlicher Geist im zweiten, schwächen sich nicht gegenseitig ab, sondern bleiben intakt nebeneinander. Deshalb, findet sich jedes Wort, das man zufällig auf der erstbesten Seite unseres Apostels nehmen kann, obwohl es sich in den himmlischen Regionen des Geistes Gottes befindet, nichtsdestoweniger auf dem innersten Grund des menschlichen Geistes, in dem, was die Erfahrung lehrt, in der Bitternis der Erprobung, in der Ausbildung und Entwicklung des neuen Menschen, während all der Lehrjahre des spirituellen Lebens.“ Was Herr Monod da in Hinblick auf die Inspiration de Paulus sagt, trifft auch auf seine eigene Beredsamkeit zu. Ich überlasse es anderen, zu erzählen, durch welche Folge von Anstrengungen, durch welche glühende Suche der Wahrheit, durch welche inneren Kämpfe sich diese strenge und zarte Seele sich stärkte und milderte, um das heilige Amt auszuüben. Aber wer auch immer ein paar Predigten von Herrn Adolphe Monod gehört hat, kann Folgendes bezeugen: je bekannter der Bibeltext war und je wörtlicher die Gedanken aus dem Text genommen waren, umso überraschter war man von der unerwarteten Lebendigkeit mit der die Person des Redners als solche die Rede erfüllte. En sehr klarer Plan, ein sehr breiter Ausblick, ein scharfsichtiger Blick, der die Winkel und Listen des Herzens verstand, tausend poetische oder sprichwörtliche Ausdrücke der Heiligen Schrift, die fast wie unfreiwillig aus seiner Erinnerung sprudelten und die Autorität seines Wortes verdoppelten, eine vollendete Kunst, aus der Geschichte des alten Bundes oder der Christenheit Beispiele auszuwählen, um seine Ideen zu illustrieren, ein tiefes Verständnis der besonderen Ängste und Schwächen dieser Zeit, die Kühnheit, immer genau auf den Punkt zu gehen, wo ihm die Vernunft in den größten Schwierigkeiten schien, viel Feinheit und Vorstellungskraft in der Sprache, manchmal ein wenig ernste und schmerzhafte Ironie in Bezug auf die menschliche Torheit, und über allem, das zwingende Bedürfnis, zu überzeugen, Seelen zu gewinnen, die beständige Angst, nie genug getan zu haben um den Sünder der falschen Sicherheit, die ihn zugrunde richtet, zu entreißen und ihn zum Glauben, der ihn retten wird, zu führen, die mitfühlende Beharrlichkeit des Christen, der glaubt, daß sein eigenes Heil mit dem seiner Brüder gefährdet ist, wenn er nicht sein Äußerstes an und für sie gibt, und schließlich, am Ende jeder Predigt, nachdem das Thema behandelt worden war, die bewegten Aufrufe von drei oder vier aufeinanderfolgenden Schlüssen, immer dringender und schöner, das all ist es, was Herrn Adolphe Monod zu seinem herausragenden Rang innerhalb der protestantischen Kirche verholfen hat. Alle seine Reden, die gedruckt wurden, überstehen diese Probe und werden auch die Probe der Zeit überstehen. Aber sein durchdringender Tonfall, sein ernstes, müdes Gesicht, von einem geheimen Feuer erhellt, seine Stimme, schwingend und ehrlich, seine maßvollen Gebärden, jener Teil der Beredsamkeit, den man Aktion nennt und der bei ihm vielleicht mehr als bei jedem anderen diesen Namen verdiente, so sehr war er bemüht, durch sein Wort zu handeln und in allen Herzen das Evangelium zu verwirklichen ! Die Stärke seiner Gedanken und seines Stils war noch verstärkt durch diese Kräfte – um die Gewalt seiner Predigt recht zu kennen, muß man zugegen gewesen sein. Einer seiner regelmäßigen Zuhörer erzählte mir, nachdem er von seinem Tod gehört hatte, daß er nach einer langen Abwesenheit, nach anderthalb Jahren im Ausland, am Tag nach seiner Heimkehr Herrn Adolphe Monod über den Text „Wer Durst hat, komme zu mir und trinke“ predigen hörte. Der Prediger legte auf großartige Weise dar, wie sich das Verlangen nach Glück, Licht, Liebe, Reinheit, das zugleich Ruhm und Qual des Menschen ist, nur in Gott Erfüllung finden kann. Der junge Zuhörer von Herrn Monod, der damals gerade das Alter erreicht hatte, wo alle Dürste erwachen und wo die Seele, die keine wahrhaftigen und lebendigen Quellen findet, bereit ist, jede Täuschung hinzunehmen, er sagte mir, daß diese Rede einen solchen Eindruck auf ihn gemacht hatte, daß ihn seitdem keines der älteren Meisterwerke der christlichen Kanzel gleichermaßen befriedigt hatte, und daß er mehr als sechs Jahre danach immer noch imstande war, lange Stellen daraus zu zitieren, als ob er den Redner gerade gehört hätte, damit wir seine beständige Ergriffenheit besser verstehen und teilen können. Herr Adolphe Monod hat in vielen Herzen erfolgreich einen solchen Antrieb hinterlassen. Um ihm noch eines seiner Worte zu entleihen, kann er nun „Platz nehmen unter den Chrysostomen und den Whitefields, die hunderte von Seelen am jüngsten Tag als ihre spirituellen Väter grüßen werden, weil sie die schönen Gaben, die die Natur ihnen geschenkt hatte, in den Dienst von Jesus Christus gestellt haben“. Er ist im Alter von 54 Jahren verstorben, nach langer Krankheit und grausamen Schmerzen, die er nicht nur mit einer unwandelbaren Bereitschaft ertragen, sondern sogar beherrscht hat, indem er noch einige Getreue, die um sein Bett versammelt waren, unterrichten konnte. Die ganze Woche lang sammelte er seine Kräfte für diesen Dienst seiner letzten Sonntage, und wenn die Stunde gekommen war, erklärte, betete, ermutigte er, mit einer immerzu vollen Stimme, immer sanft, mit einem ebenso klaren Geist und einem ebenso gelassenen Glauben wie je zuvor, als bräuchte er nicht all seine Kraft für seine eigenen Kämpfe. So war er bis zum Schluß sich selber und seinem Werk treu, und auf den bewegten Gesichtern all derer, die letzten Dienstag versammelt waren, um sein Gedächtnis zu würdigen, ebenso wie in den Reden, die auf seinem Grab gehalten wurden, im Namen der Nationalkirche, im Namen der lutherischen Kirche, im Namen der Freikirchen, sah man ganz klar, daß jeder seinen Verlust als einen gemeinsamen Trauerfall für alle Protestanten sah, da ein großes Licht erloschen ist in ihrer Mitte, aber auch als einen persönlichen Trauerfall, den Tod eines Freundes.

Guillaume Guizot

Auch auf meiner Adolphe Monod Website veröffentlicht (hier).

samedi 2 février 2013

Adolphe Monod – ses sermons et discours

Voici une liste – que je crois complète – des 54 sermons et discours d’Adolphe Monod qui nous sont parvenus. Les lieux et dates sont donnés à titre indicatif et méritent vérification.

La misère de l’homme et la miséricorde de Dieu (2 sermons, Naples/Lyon, 1827/1828)

La sanctification par la vérité (Lyon, 1828)

La sanctification par le salut gratuit (Lyon, 1829)

Pouvez-vous mourir tranquille ? (Lyon, 1829)

La peccadille d’Adam et la vertu des pharisiens (Lyon ?, 1829 ou 1830)

Etes-vous un meurtrier ? (Lyon, 1830)

Qui doit communier ? (Lyon, 1831)

La création (Lyon, entre 1832 et 1835)

La compassion de Dieu pour le chrétien inconverti (2 sermons, Mens, 1834)

La foi toute-puissante (Lyon, 1835)

Le geôlier de Philippes (Montauban ?, 1836)

Le bonheur de la vie chrétienne (Montauban ?, entre 1836 et 1839)

Les démoniaques (Montauban ?, entre 1836 et 1839)

Jésus tenté au désert (3 sermons, Montauban ?, 1839)

Hérode et Jean-Baptiste (Montauban ?, entre 1839 et 1841)

Danse et martyre (Montauban ?, entre 1839 et 1841)

Etes-vous chrétien ? (Montauban ?, 1841)

La crédulité de l’incrédule (Montauban ?, 1841)

L’ami de l’argent (Montauban ?, 1841)

Dieu est amour (Montauban ?, 1843)

Que seriez-vous sans Jésus-Christ (Montauban, 1843)

La parole vivante (Paris, 1847)

Le nom de Jésus (Paris, 1847)

La femme (2 sermons, Paris, 1848)

Le fatalisme (Paris, 1848)

La vocation de l’Eglise (Paris, 1849)

Les fondements en ruines (2 sermons, Paris, 1849)

Qui a soif ? (Paris, 1849)

Le plan de Dieu (Paris, 1850)

Donne-moi ton cœur, ou Dieu demandant le cœur de l’homme (Paris, 1850)

Marie-Magdeleine (Paris, 1850)

Les grandes âmes (Paris, entre 1850 et 1851 ?)

Nathanaël, ou l’esprit prévenu, mais sincère (Paris, entre 1850 et 1851 ?)

Saint Paul (5 sermons) (Paris, entre 1850 et 1851 ?)

Jésus enfant, modèle des enfants (Paris, 1851)

L’incarnation du Fils de Dieu (Paris, 1851)

Tel enfant, tel homme (Paris, 1852)

L’inspiration prouvée par ses œuvres (Paris, 1852)

Exclusisme, ou l’unité de la foi (Paris, entre 1852 et 1855 ?)

Trop tard, ou Dieu fidèle en ses menaces (entre 1852 et 1855 ?)

La tradition (Paris, 1853)

Jésus-Christ baptisé, ou la Trinité (Paris, 1853)

La grâce, ou l’œuvre du Père (Paris, 1853)

L’œuvre du Fils, ou la propitiation (Paris, 1853)

L’enfance de Jésus, ou l’éducation chrétienne (Paris, 1853)

Naître pour mourir (Paris, 1854)

Je suis la Résurrection et la Vie (Paris, 1855)

L'eau qui jaillit en vie éternelle (Paris 1855)

Egalement publié sur mon site consacré à Adolphe Monod (ici).