mercredi 27 février 2013

Massillon – une petite biographie



Jean-Baptiste Massillon naît le 27 juin 1663 à Hyères (Provence), au sein d’une famille bourgeoise ; son père est notaire.

Il reçoit son éducation scolaire dans le collège de la congrégation de l’Oratoire à Hyères. A l’âge de 18 ans, il rejoint lui-même la congrégation, en devenant novice à Aix-en-Provence. Par la suite, il étudie la théologie à Arles et il enseigne les belles-lettres dans plusieurs collèges de l’Oratoire, comme à Pézenas, à Marseille et à Montbrison. C’est à Vienne qu’il est ordonné prêtre en 1692. Ses dons d’orateur sont vite repérés ; on lui demande de prononcer l’oraison funèbre de M. de Villars, archevêque de Vienne (1693), et un peu plus tard, celle de M. de Villeroi, archevêque de Lyon. Ces discours sont remarqués et ont pour effet que l’Oratoire destine le jeune prêtre au ministère de la chaire ; ils lui ouvrent également les portes de la haute société de Vienne.

En 1695, Massillon quitte Vienne pour Lyon. En 1696, le nouveau supérieur général de l’Oratoire, le Père de la Tour, veut le faire venir à Paris, mais Massillon s’est retiré à la Trappe de Septfonds. Il semblerait que le jeune prêtre hésite devant la carrière à laquelle on le destine et cherche la volonté de Dieu à cet égard. Après un séjour de quelques mois, il sort du monastère de Septfonds. Le cardinal de Noailles lui fait reprendre les habits de l’Oratoire et le fait nommer directeur du séminaire de Saint-Magloire à Paris. Il s’y entraîne pendant plus d’un an à l’éloquence religieuse, devant un public de jeunes prêtres.

En 1698, il prêche son premier carême à Montpellier ; ces sermons n’ont pas été conservés.

Le Père de la Tour le fait ensuite prêcher son premier carême parisien à l’Oratoire du Louvre (qui n’est, à cette époque, pas encore un temple protestant). C’est un grand succès. L’abbé Le Dieu va jusqu’à écrire : « Il mérita de passer de plein saut de la chaire des Pères à celle du château de Versailles. » En effet, le cardinal et son frère, le duc de Noailles, s’affairent pour que ce prédicateur d’exception puisse prêcher devant le roi, entre autres en le présentant à Mme de Maintenon.

C’est en 1700 que Massillon prêche pour la première fois devant Louis XIV, à l’occasion de l’avent. Ses sermons semblent avoir fait forte impression sur le roi ; il semblerait qu’il ait dit à Massillon : « Mon Père, j’ai entendu plusieurs grands orateurs, j’en ai été fort content. Pour vous, toutes les fois que je vous ai entendu, j’ai été très mécontent de moi-même. »

C’est d’ailleurs un trou de mémoire devant le monarque qui a conduit Massillon à apprendre ses sermons par cœur, comme le rapporte l’abbé Grégut : « Massillon se défiait de sa mémoire, qui, pourtant, le servait avec complaisance ; mais dans des circonstances graves, elle lui avait manqué de fidélité et l’orateur lui garda rancune. Un jour où il prêchait devant Louis XIV, une malencontreuse distraction survint et il s’arrêta net. Le roi avait infiniment d’esprit : « Laissez-nous, mon Père, dit-il, réfléchir un instant aux belles choses que vous nous dites ». Remis sur pied par cette parole pleine d’un délicat à-propos, Massillon acheva son discours mais il prit le parti désormais d’apprendre entièrement ses sermons par cœur. » 

Il prononce plusieurs oraisons funèbres, dont celles du prince de Conti en 1709, celle du Dauphin en 1711 et celle de Louis XIV en 1715. Cette dernière commence avec les paroles célèbres : « Dieu seul est grand, mes frères, et dans ces derniers moments surtout, où il préside à la mort des rois de la terre : plus leur gloire et leur puissance ont éclaté, plus, en s’évanouissant alors, elles rendent hommage à sa grandeur suprême : Dieu paroît tout ce qu’il est; et l’homme n’est plus rien de tout ce qu’il croyoit être.‎ »

Les années 1717 et 1718 lui apportent deux distinctions importantes, malheureusement incompatibles entre elles : la charge d’évêque de Clermont et un siège à l’Académie.

Le 11 novembre 1717, le Régent lui offre l’évêché de Clermont, charge que Massillon considère à la fois comme un honneur et une « servitude pénible ». L’ancien évêque, M. Saron, étant mort en août 1715, le poste avait d’abord été proposé à M. d’Entragues, mais celui-ci l’avait refusé, soit pour des raisons de santé, soit parce qu’il considérait le poste trop médiocre. Par ailleurs, Massillon n’aurait pas pu accepter cette vocation si le financier Antoine Crozat n’avait pas réglé les 27 000 livres que demandait la cour romaine, ce qui était déjà une somme réduite de moitié, faveur accordée au célèbre prédicateur.

A la demande du Régent, Massillon prêche le « Petit Carême » devant Louis XV (alors âgé de 8 ans) et sa cour. Il reçoit l’onction épiscopale le 21 décembre 1718, quelques jours après la confirmation de sa nomination par Clément XI.

Le 29 décembre de la même année, il est élu à l’Académie pour remplacer l’abbé de Louvois. Le 3 janvier 1719, il prête serment devant le Roi, le 23 février il est reçu à l’Académie par l’abbé de Fleury. C’est d’ailleurs la seule fois qu’il se rend à l’Académie. Dans son discours de réception, il dit : « Heureux, si n’étant pas capable de partager avec vous la gloire de vos travaux, je pouvois du moins en être ici le témoin et l’admirateur, et si, appelé ailleurs par le devoir, le regret de ne pouvoir jouir long-temps de l’honneur que vous me faites, n’égaloît le plaisir que je sens de l’avoir reçu. »

Massillon prend possession de son siège épiscopal le 29 mai 1719, en faisant fi des coutumes locales.

Le 25 octobre de la même année, il revient à Paris pour intervenir, à la demande du Régent, auprès du cardinal de Noailles, pour que celui-ci s’abstienne de sacrer M. de Lorraine et M. de Castries comme évêques de Bayeux et de Tours. Cette tentative de médiation ne semble pas avoir été couronnée de succès.

En 1720, il revient encore une fois à Paris, à l’occasion du sacre de l’abbé Dubois, un proche du Régent, comme archevêque de Cambrai. Dubois avait sollicité la présence de Massillon, à cause de sa grande renommée de vertu, semble-t-il. L’abbé Dubois étant un personnage aux mœurs douteuses, il s’agit là, à en croire Champomier, d’une affaire « cruelle pour [le] repos et [la] renommée » de Massillon, et qui lui a été reprochée par la suite. Mais l’évêque de Clermont ne semble pas s’en être voulu d’avoir pris part à cette affaire, par fidélité au Régent et en vue de l’accord (hésitant) du pape Clément XI.

Massillon demeure à Paris le reste de l’année, retenu par sa participation dans le Conseil de Conscience (avec les cardinaux de Rohan et de Bissy) qui cherchait alors à ramener le cardinal de Noailles dans une pleine soumission au pape et à la Régence. Mais, en 1721, il décide de se retirer de ce Conseil (il y est remplacé par l’archevêque de Rouen) et il part pour Clermont le 12 février 1721.

Il s’y investit à fond dans le travail épiscopal. Le 20 avril, il commence sa première visite pastorale, une visite qui a failli mal se terminer lors de son étape à Riom, le 26 avril. Jean Champomier raconte cet événement haut en couleurs : « L’évêque visita d’abord Saint-Aimable, alors collégiale opulente. … On y conservait un grand nombre de reliques et surtout on y vénérait la châsse de saint Amable, patron de la localité. Massillon fit ouvrir cette châsse pour vérifier les reliques. Aussitôt le zèle naïf du peuple s’enflamme. S’imaginant qu’on veut dérober leur pieux trésor, les habitants se pressent dans l’église avec des cris et des gestes menaçants. Repoussé, insulté, frappé même, dit-on, par un boulanger, le prélat se réfugie dans la sacristie, d’où il parvient avec peine à gagner sa voiture. La foule furieuse le poursuit ; entouré d’archers, il fuit rapidement à travers les rues encombrées pour aller chercher un asile au collège ; mais durant le trajet, la multitude ne quitte pas sa proie, vociférant et lançant des pierres qui brisent les glaces de son modeste carrosse. » L’évêque reste néanmoins à Riom le lendemain, puis il poursuit sa visite. Ce n’est qu’en 1730 qu’il réussira à interdire le culte rendu aux « pierres de saint Etienne », d’autres reliques douteuses conservées à Riom.

A cette époque, la santé de Massillon commence à se détériorer ; il souffre de calculs rénaux.

Le 13 février 1723, il revient à Paris une dernière fois, pour prononcer l’oraison funèbre de la mère du Régent, la princesse Palatine.

La première visite générale du diocèse se poursuit dans les années 1723 à 1729. Une seconde visite a lieu entre 1730 et 1737. Massillon semble avoir trouvé une certaine sérénité dans sa charge d’évêque, loin de Paris et de la cour. Sa vie modeste, sa tendresse pour ses ouailles et son attachement tout particulier aux pauvres semblent lui avoir valu l’amour des gens. Il lui arrive néanmoins de regretter les jours où il était au centre de la vie intellectuelle. Ainsi, il écrit, dans un lettre adressée à Antoine Danchet, membre de l’Académie : « Nous sommes à plaindre dans nos provinces, nous n’y pouvons conserver quelques restes de bon goût que par réminiscence. Des fonctions sérieuses, les sociétés qui nous environnent, l’air que nous respirons, tout nous épaissit. Vous nous redonnez une étincelle de ce premier esprit que vous puisez à la source et vous prévenez une extinction totale quand vous, Monsieur et vos autres confrères, nous font l’honneur de nous communiquer quelques-uns de leurs ouvrages. »

Massillon se félicitait d’avoir apaisé les tensions entre jésuites et jansénistes dans son diocèse dont il disait qu’il était « le plus paisible du royaume », mais il semble néanmoins avoir clairement pris position contre les jansénistes, notamment en soutenant une « mission » tumultueuse conduite par le père Bridaine à Clermont en 1740.

Massillon meurt le 28 septembre 1742 dans sa résidence campagnarde de Beauregard, à l’âge de 79 ans.

Son Petit Carême n’est publié qu’en 1745 et connaît un grand succès, au point que Voltaire, qui lui aussi appréciait Massillon, a pu dire : « Auprès d’un pot de rouge, on voit un Massillon. »

Son successeur à l’Académie est le duc Mancini-Mazarini ; c’est d’Alembert qui fait l’éloge de Massillon.

Source principale : Jean Champomier, Massillon, René Debresse, Paris, 1942, 157 p.

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