dimanche 30 juin 2013

Charles Drelincourt – Les philosophes et la mort




Dans le deuxième chapitre de sa « Consolation de l’âme fidèle contre les frayeurs de la mort », Charles Drelincourt se penche sur les réflexions des grands philosophes païens au sujet de la mort. Dans le traitement de cette question existentielle, ils se montrent fort savants et habiles, mais ce qu’ils ont à dire ne saurait consoler l’homme face à la mort. Leurs paroles « piquent et instruisent, mais elles ne consolent point ». L’auteur concède une place à part aux philosophes stoïques, mais ces penseurs aussi, au lieu de panser la plaie, la rendent plus douloureuse encore.

Egalement publié sur mon site consacré à la grande prédication chrétienne (ici). On y trouve également le facsimile en moyen français et un enregistrement audio.

vendredi 21 juin 2013

Adolphe Monod – La miséricorde de Dieu




C’est la deuxième et dernière partie d’une petite série de prédications consacrée à Romains 11.32.

Mes notes sur la première partie se trouvent ici.

Résumé

Ayant rappelé les éléments clé du premier sermon de la série à son auditoire (ou à ses lecteurs), Monod s’adresse directement à ceux d’entre eux qui n’ont pas vécu de conversion. Il les exhorte à l’inquiétude, car ils se trouvent dans un état à la fois de culpabilité et de misère ; ils ont besoin d’être délivrés « et de la peine du péché, et du péché lui-même », et ils sont incapables de s’en extraire par eux-mêmes, car même une conduite parfaite ne saurait racheter les fautes passées, et sur les bases mauvaises du passé, ils ne sauraient rien construire de saint. La seule délivrance possible réside donc en Dieu.

Monod s’apprête à exposer le plan de Dieu, en se basant cette fois-ci uniquement sur la Parole de Dieu car la raison humaine, si elle a pu établir la perdition de l’homme, n’est pas capable de dégager la solution que Dieu a mise en œuvre.

Effectivement – et cela nous place au cœur de la Bonne Nouvelle – Dieu répond au problème de la culpabilité en pardonnant à l’homme. Incapable de se justifier par ses œuvres, l’homme a besoin de la justification par la foi, accordée comme une grâce à un coupable. Elle se base sur l’œuvre de Jésus-Christ qui a souffert la punition que nous méritions.

Monod admet que cette doctrine le dépasse et suscite des questions dont il ignore la réponse, mais qu’il peut appréhender « par ce qui la précède et ce qui la suit », à savoir dans sa réponse aux besoins de la conscience angoissée et par la paix qu’elle lui offre.

Dieu offre également la délivrance de la misère de l’homme, en ramenant l’homme à l’amour de Dieu. En effet, celui qui contemple l’œuvre du Fils qui se sacrifie pour le pécheur, en l’absence de tout mérite de celui-ci, ne peut que s’écrier : « Quel amour ! mon Dieu, quel amour ! »

Un tel amour ne devrait manquer de susciter l’amour de l’homme, mais il n’en est rien, sauf si son esprit est préparé par l’action du Saint-Esprit.

Monod démontre que le Saint-Esprit n’est pas promis aux seuls apôtres, mais à tous les chrétiens. Il écarte un certain nombre de fausses approches avant de conclure : « Le Saint-Esprit, c’est une action directe, réelle, surnaturelle, exercée sur l’esprit de l’homme par un Dieu maître de notre cœur aussi véritablement qu’il l’est de la nature, et qui peut à son gré nous donner et nous ôter des sentiments et des pensées … Le Saint-Esprit, c’est Dieu dans l’homme. »

Le prédicateur offre lui-même un résumé de ce qu’il vient de dire : 
« Ainsi la miséricorde divine n’a rien laissé manquer pour le salut de l’homme pécheur. Il faut à l’homme pécheur une double délivrance. Coupable, il a besoin d’un pardon ; misérable, il a besoin d’un changement de cœur : Dieu lui offre l’un et l’autre en Jésus-Christ. Il lui pardonne, en considération de Jésus-Christ, qui a souffert à sa place la peine due à ses péchés. Il lui change le cœur, en lui manifestant son amour dans la rédemption, qu’il lui fait croire et sentir par le Saint-Esprit. »
Se pose alors la question de la contribution de l’homme ; n’a-t-il rien à faire de son côté ?

Monod répond en affirmant que l’homme doit se mettre dans une certaine disposition d’âme, qu’il doit exercer sa foi. A cet égard, le prédicateur distingue entre la « foi en Dieu », c’est-à-dire « la conviction générale que la Bible est la parole de Dieu », et une de ses conséquences, la « foi en Jésus-Christ », c’est-à-dire « la conviction spéciale … que nous sommes perdus et que nous pouvons être sauvés par Jésus-Christ ». C’est cette dernière qui est exigée de nous pour le salut.

Mais comment l’acquérir ? Face au paradoxe que cette foi est un don de Dieu, et que l’homme est invité à la mettre en œuvre, on pourrait se décourager, mais en réalité, la solution du dilemme est simple ; il suffit de demander à Dieu. Et même si l’homme n’a qu’un commencement de foi à offrir, il faut l’offrir pour s’inscrire dans ce cercle vertueux « de prières en grâces, et de grâces en prières » qui le mène sur la voie des miséricordes divines.

Monod s’adresse ensuite à ceux qui refusent ce discours. Il accepte qu’on en rejette la forme, le langage, l’enchaînement des idées, tout ce qui vient de l’orateur. Mais en ce qui concerne le contenu, le fond – la misère de l’homme et son besoin du salut en Jésus-Christ par grâce, par la foi, l’œuvre de l’Esprit-Saint – celui qui les rejette, rejette l’Evangile lui-même. Monod est très solennel : 
« Ce que je vous ai prêché, ce n’est pas mon opinion : c’est la vérité. Ce n’est pas une doctrine : c’est la doctrine. C’est plus : c’est la vie ; et si vous ne croyez pas cela, vous demeurez dans la mort. » 
Celui qui refuse ces vérités, refuse aussi les déclarations de la liturgie réformée et doit se poser la question de ce qu’il fait à l’Eglise. 
« … il faut sortir de quelque manière d’une situation si fausse : il faut ou aller plus avant, ou revenir en arrière ; ou prendre la chose, ou quitter le nom ; ou recevoir cette doctrine, ou renoncer à être chrétiens. »
Monod s’adresse ensuite à ceux que son discours aurait touché et les invite à se tourner vers Dieu afin de lui demander la grâce de la conversion, en acceptant de lui sacrifier tout ce qui ferait obstacle, que ce soit la fortune, la réputation, le bien-être, certaines relations : « Convertis-moi, Seigneur, et je serai converti ! »

La prédication se termine par une prière dans laquelle Monod implore Dieu d’envoyer son Esprit dans le cœur de ceux qui seraient disposés à se conformer aux instructions divines.

Structure

Monod n’affiche pas de structure, mais son discours est logiquement ordonné. Il n’y a pas de véritable exorde, l’exposé commence par un rappel des éléments clé du premier sermon. La suite peut se structurer comme suit :
  1. Un double problème : culpabilité et misère
  2. La réponse à la culpabilité : la propitiation en Jésus-Christ
  3. La réponse à la misère : l’homme est ramené à l’amour de Dieu
  4. La nécessité de l’œuvre du Saint-Esprit
  5. La nécessité d’une démarche de foi
  6. Invitation à s’engager sur la voie du salut

Apport

Cette prédication se distingue par une grande profondeur théologique. Monod aborde des sujets graves et complexes – la réponse scripturaire à la fois à la culpabilité de l’homme et à sa misère, la doctrine du Saint Esprit, la théologie de la foi … – et il le fait d’une manière très claire. Monod admet qu’il n’a pas réponse à tout, mais il n’hésite pas à insister sur ce que Dieu a bien voulu révéler dans les Ecritures et proposer des approches très pragmatiques basées sur cette révélation.

Comme le signale Fredrik Dahlbom dans sa thèse (1923), Monod est original dans son insistance sur la volonté de croire. Il trouve une correspondance dans le vécu du prédicateur : 
« Dans sa propre conversion, l’élément de volonté avait pris beaucoup de place. Il avait été un douteur, mais il avait souffert de ses doutes. Il voulait croire, et c’est pour cela qu’il n’avait pas abandonné le combat quand il semblait le plus désespéré. Pourtant, l’insistance sur la volonté n’est pas chez Monod en contradiction avec l’abandon de soi. Tout au contraire, la volonté désigne ici la volonté de s’abandonner. »
On peut également signaler la distinction originale entre la « foi en Dieu » (peut-être serait-il plus propre de dire « foi en l’Ecriture ») et la « foi en Jésus-Christ ».

Points faibles

Il me semble que le discours est très dense, peut-être trop dense théologiquement. On y trouve assez peu d’images parlantes, tout est très intellectuel et assez abstrait, et cela dans un discours d’environ cinquante minutes. Monod soumet l’auditeur moyen à une rude épreuve. Il fallait sans doute un orateur de son talent pour faire passer la pilule.

Dans sa thèse susmentionnée, Dahlbom place cette faiblesse dans une perspective plus large : 
« [Monod] cherche à libérer la religion de sa captivité dans son exile [où l’avait reléguée] le moralisme des Lumières et à la ramener dans sa terre d’origine. Mais à cause de son concept de la révélation, il lui impose un autre esclavage, à savoir l’intellectualisme. Comme les Lumières confondaient religion et moralité, Monod et le Réveil couraient le risque de confondre religion et croyance. Un exemple typique se présente lorsqu’il examine, dans La miséricorde de Dieu, le concept de foi et distingue entre « foi en Dieu », à savoir que tout ce que Dieu dit dans sa Parole est vrai, et « foi en Christ », c’est-à-dire la foi en une force à l’extérieur de nous-mêmes qui ne peut pas se manifester tant que tout ce qui est faux a été enlevé de par l’abandon de soi. Il est évident que Monod pense que la [foi comme] confiance devrait être le principal et que la [foi comme] acceptation et maintien [de la doctrine] ne sert qu’à établir un fondement sûr pour la confiance. Mais en pratique, c’est l’inverse. Il plonge tellement dans des démonstrations scolaires que ce qui ne devrait être qu’un support pour la foi comme confiance, prend la première place et relègue l’aspect de confiance sur un deuxième plan. »

Eléments de rhétorique

Le lecteur (et l’auditeur) ne peut passer à côté de trois refrains qui marquent le discours dans sa deuxième moitié. D’abord, il y a, au milieu du sermon, quatre fois l’exclamation « Quel amour ! Mon Dieu, quel amour ! », puis, plus vers la fin, 14 (!) répétitions de l’interrogation « Voulez-vous … ? », suivies de près de 15 (!) répétitions de « C’est l’évangile de … ». A chaque fois, l’utilisation de ces refrains fait son effet, mais on peut se demander si Monod n’en fait pas trop en enchaînant plusieurs passages de ce type. Parfois, moins, c’est plus …

Autres observations

Monod se montre assez ouvert dans son énumération des autorités que peut faire valoir l’Evangile qu’il proclame : on y trouve non seulement Calvin et Luther, mais aussi Fénelon, Thomas a Kempis et St Bernard. Tous les prédicateurs évangéliques de notre temps ne seraient pas prêts à revendiquer le soutien de tous ces chrétiens célèbres.

Adolphe Monod – The Mercy of God




This is the second part of a couple of sermons on Romans 11.32.

My notes on the first part can be found here.

Summary

Having reminded his listeners (and readers) of the key elements of the first sermon, Monod directly addresses those of his audience that have never undergone a conversion experience. He invites them to be worried because they find themselves in a situation of both guilt and misery. They need to be delivered “from the penalty of sin and from sin itself”, but they are unable to free themselves because even a perfect conduct cannot redeem their sins of the past, and is it impossible to build something holy on the bad foundations of the past. The only way out is found in God.

Monod thus undertakes to present God’s plan, but this time he bases his arguments only on the Word of God, because reason, which is capable of establishing man’s lostness, could not possibly imagine the solution God has brought about.

As a matter of fact – and this is at the very heart of the Gospel – God solves the problem of guilt by offering man his forgiveness. Man is unable to obtain justification through his own deeds and needs justification by faith, which is offered as a grace. It has its foundation in the work of Jesus Christ who has suffered the punishment we deserved.

Monod admits that this teaching surpasses his understanding and raises questions that he cannot answer, but he asserts that he can grasp it “by what precedes and what follows it”, i.e. through the answer it provides to the needs of his anxious conscience and through the peace it offers him.

God also overcomes the misery of man by re-igniting the love of God in him. As a matter of fact, whoever contemplates the work of the Son who offered his life for sinners, in the absence of any merit on their behalf, can only cry out: “What love! My God, what love!”

One might think that such love could only arouse man’s love for God in return, but as a matter of fact, it does not, unless man’s spirit is prepared by the Spirit of God acting upon it.

Monod establishes that the Spirit is not promised to the apostles alone, but to all Christians. He refutes several erroneous approaches and then concludes: 
“The action of the Holy Spirit is direct, real supernatural, exerted upon the spirit of man by a God equally sovereign over our hearts as over our nature, and who can at will give us and take from us our thoughts and feelings … The Holy Spirit is God in man.”
The preacher then summarizes what he has established so far: 
“God’s mercy has left nothing undone for the salvation of the sinner. Man needs a double deliverance; sinful, he needs forgiveness; wretched, he needs a change of heart, and God offers them both in Jesus Christ, who has suffered the punishment due to his sins. He changes his heart by showing his love through redemption, which the Holy Spirit allows him to believe and experience.”
This raises the question of man’s contribution – is there nothing man has to do?

Monod answers this question by asserting that man has to have a certain disposition of the soul – that he has to exercise faith. When speaking of faith, the preacher distinguishes “faith in God”, which is the “general conviction that the Bible is the Word of God”, from one of its consequences, “faith in Jesus Christ”, i.e. the “particular conviction that … we are all lost and may all be saved by Jesus Christ”. It is the latter that we have to have in order to be saved.

But how can we acquire this faith? Faced with the paradox that faith is a gift of God and that man is called to exercise faith, one might be discouraged, but in practice the way out of this dilemma is easy: it is sufficient to ask God for faith. And even if man has only a beginning of faith to offer, he should do so in order to benefit from this virtuous circle “from prayers to graces and from graces to prayers”, which will make him reach the way of God’s mercy.

Monod then addresses those who reject his discourse. He accepts the dismissal of the form, the language, the order of ideas, and everything else that has its origin in the speaker. Things are different when it comes to the content, the very ideas underlying it – the misery of man; his need for salvation in Jesus-Christ, by grace, through faith; the work of the Holy Spirit – whoever dismisses these doctrines rejects the Gospel itself. The sermon becomes very solemn in this place: 
“What I have preached to you is not my opinion. It is the truth. It is not my doctrine. It is the doctrine. It is more. It ist he life. If you do not believe it, you abide in death.” He who refuses it also refuses the declarations of the Reformed liturgy and has to ask himself why he comes to Church. “You must extricate yourselves in some way from so wrong a position; you must either go forward or backward; either take the thing or give up the name; receive the doctrine or admit that you are not Christians.”
Monod then has a word for those of his listeners who have been moved by his discourse. He invites them to turn to God and ask him for the grace of conversion, accepting to sacrifice whatever may be an obstacle, be it wealth or reputation, well-being, certain relationships, etc. “Turn me and I shall be turned!”

Monod terminates the sermon with a prayer in which he implores God to send his Spirit into the hearts of those who are inclined to conform to God’s will and ways.

Structure

Monod does not give any clear hints concerning the structure, but his discourse is logically ordered. There is no real exordium: the sermon begins with a summary of the most important elements of the first sermon. A possible structure could be:
  1. A twofold problem: guilt and misery
  2. The answer to guilt: propitiation in Jesus Christ
  3. The answer to misery: rediscovering God’s love
  4. The need for the work of the Spirit
  5. The requirement of faith
  6. Invitation to commit to the path leading to salvation

Why this sermon matters

This sermon is quite deep as to its theology. Monod tackles serious and complex matters – the biblical response to man’s guilt and misery, the doctrine of the Spirit, the theology of faith … – and he does so with great clarity. He admits that he does not have all the answers, but this fact does not hinder him from insisting on what God has definitely revealed in the Bible and outlining a pragmatic approach based on this revelation.

As Fredrik Dahlbom says in his thesis (1923), Monod’s insistence on the will to believe is original and rooted in his own experience: 
“In his own conversion, the volitional element was important. He had been a skeptic but his doubts had made him suffer. He wanted to believe, and this is why he had not given up the fight when it seemed most desperate. That being said, in Monod’s thought the insistence on the will does not contradict self-abandonment. Quite to the contrary, the will here designates the will to abandon oneself.”
One may also note the original distinction between “faith in God” (perhaps it would be more appropriate to speak of “faith in Scripture”) and “faith in Jesus Christ”.

Weaknesses

I would say that this sermon is very dense, and perhaps too dense, as to its theology. Monod uses few illustrations, everything is very intellectual and abstract – and yet the sermon is quite long (about fifty minutes). In other words, Monod puts the average listener severely to the test. It took an pulpit speaker of his calibre to sweeten this pill.

In his above-mentioned thesis, Dahlbom puts this weakness into perspective: 
“[Monod] wants to free religion from its slavery to which the Moralism of the Enlightenment had reduced it; he wants to bring her back home. But because of his understanding of revelation he forces her into a new slavery: the slavery of intellectualism. Very much like the Enlightenment confounded religion and morality, Monod and the Awakening run the risk of confounding religion and belief. Monod’s examination of faith in the sermon The Mercy of God provides a typical example. Monod distinguishes between “faith in God”, i.e. the belief that everything that God has said in his Word is true, and “faith in Christ”, i.e. the belief that there is a force that is distinct from ourselves, which cannot act before all that is false in us has been removed by self-abandonment. It is clear that Monod thinks that what counts is [faith as] trust, and that [faith as] acceptance and conservation [of the doctrine] only serves to establish a safe foundation for trust. But practically speaking the converse is true: he delves so deep into scholarly demonstrations that the things that should only have served as support for faith as trust has pride of place and pushes the aspect of trust into the background.”

Rhetorical elements

It is difficult not to note the three refrains that rhythm the second part of the sermon. First, there is, about halfway through the sermon, the fourfold exclamation: “What love! My God, what love!” Then, closer towards the end, Monod 14 times (!) repeats the question “Do you will to …?”, followed by 15 (!) repetitions of “It is the Gospel of …”. Each of these repetitions as such is quite efficient, but I would say that their accumulation is somewhat too much. Sometimes, less is more …

Miscellaneous

Monod’s list of authorities that endorse his Gospel proves him to be quite open-minded: we find not only Calvin and Luther, but also Fénelon, Thomas a Kempis and St Bernard. Not all evangelical preachers of today would be ready to invoke the support of all of these remarkable Christian men.

mardi 18 juin 2013

Charles Drelincourt – Les frayeurs de la mort




Dans ce premier chapitre de ses célèbres « Consolations de l’âme fidèle contre les frayeurs de la mort », l’auteur expose toutes les horreurs de la mort. Rien ne lui résiste, personne ne lui échappe, à cette prédatrice sans pitié et sans égards. Elle ne connaît pas de répit et se montre insatiable. Qui s’étonnera qu’elle remplisse d’effroi et de désespoir les hommes qui n’ont pas mis leur confiance et leur espérance en Dieu ?

La démonstration est magistrale et haute en couleur, très intense et très prenante.

Un seul regret, à notre avis : la chute nous semble décevante, car que gagne-t-on à déclarer que les hommes qui meurent apparemment sans effroi sont soit des brutes, soit des enragés et « ne méritent pas d’être mis au rang des créatures raisonnables » ?

Egalement publié sur mon site consacré à la grande prédication chrétienne (ici). On y trouve également le facsimile en moyen français et un enregistrement audio.

Charles Drelincourt – Consolations contre les frayeurs de la mort – Epître dédicatoire




L’épître dédicatoire à l’attention d’Amalie Elisabeth von Hanau-Münzenberg (1602-1651) peut paraître étrange au lecteur moderne. Elle montre que l’auteur est bel et bien un homme du XVIIe siècle, époque où l’on avait encore une considération extrêmement haute pour les autorités civiles, investies par Dieu de la conduite des affaires terrestres. Drelincourt semble en effet considérer que la « landgrave » de Hesse-Cassel possède au plus haut point toutes les vertus chrétiennes. Il est difficile de savoir jusqu’à quel point l’auteur obéit aux exigences du genre littéraire, mais Drelincourt paraît effectivement avoir beaucoup d’estime pour sa protectrice. Celle-ci est gravement malade (et morte moins d’un an après la rédaction de l’épître), ce qui en fait une destinataire assez naturelle pour un livre qui cherche à préparer son lecteur à la mort. Le lecteur protestant, familier de la doctrine de la dépravation totale de l’homme, peut se demander si Drelincourt n’embellit pas excessivement le portrait de la princesse, mais il ne faut pas oublier que ces huguenots, malgré leur orthodoxie scripturaire, ne sont pas des hommes du Réveil et ont une conception du christianisme plus organique que celle que véhiculera le christianisme évangélique. On n’insiste pas sur le besoin de conversion, mais on exhorte à la vertu.

C’est intéressant de noter que dans sa réédition des Visites charitables de Drelincourt de 1731, Jean-Baptiste Brutel de la Rivière (1669-1742) écrit, en s’adressant à M. Vanrobais de Ryxdorp, dont il se dit le « très humble et très obéissant serviteur et neveu » :
« Si je suivais le style des Epîtres Dédicatoires, j’essaierais de faire votre éloge. J’aurais un grand champ ouvert. Je pourrais avancer sur votre sujet bien des vérités honorables, sur lesquelles sûrement j’aurais l’aveu et l’approbation de tous ceux qui vous connaissent. Mais, outre que je sais, à n’en pouvoir douter, que ce serait le vrai moyen de vous déplaire, j’ai considéré qu’un éloge serait mal placé à la tête d’un livre où l’infirmité humaine est représentée sous toutes ses faces et par les endroits les plus humiliants … »
On mesure le chemin parcouru en 80 ans ; on est bien plus près de notre sensibilité moderne.

Egalement publié sur mon site consacré à la grande prédication chrétienne (ici). On y trouve également le facsimile en moyen français et un enregistrement audio.

lundi 10 juin 2013

Charles Drelincourt – une petite biographie



Charles Drelincourt naît le 10 juillet 1595 à Sedan (Champagne-Ardenne). Son père, Pierre Drelincourt, réfugié de Caen, pour cause de religion, est secrétaire de Henri-Robert de La Marck (1540-1574), prince de Sedan, duc de Bouillon, puis greffier au Conseil Souverain de la ville ; sa mère, Anne Buyrette, est la dernière fille de Nicole Buyrette, un avocat au Parlement de Paris ayant embrassé la Réforme, et sœur du pasteur-martyr Thomas Buyrette, tué lors de la Saint-Barthélemy (1572) avec son beau-frère Jean Molé, comme le raconte Charles dans l’épître dédicatoire à ses Neuf Dialogues contre les missionnaires (1665).

Charles étudie les humanités et la théologie à Sedan, puis il est envoyé à Saumur (Pays de la Loire) pour y étudier la philosophie à l’académie, sous la direction du médecin et philosophe écossais Marc Duncan (1581-1640).

Il est consacré au saint ministère en juin 1618. Bien qu’il reçoive plusieurs propositions, il accepte l’appel pour être pasteur d’une Eglise qui devait se créer à Langres, car il s’attend à « une grande moisson » dans cette ville où habite un grand nombre de « temporiseurs », c’est-à-dire de personnes sur le point de se déclarer comme protestants. Or le Conseil du roi refuse d’émettre l’arrêt permettant la création d’une Eglise à Langres. Cette situation attriste profondément le jeune pasteur qui tombe gravement malade.

Tout espoir d’un établissement à Langres s’étant envolé, Charles accepte l’appel de l’Eglise de Paris à Charenton, pour succéder à Pierre Du Moulin (1568-1658) qui se voit obligé de se réfugier à Sedan. Il y prêche pour la première fois le 15 mars 1620.

En 1625 il épouse Marguerite Bolduc (1607-1688), la fille unique d’un riche marchand parisien. Elle lui donne seize enfants, à savoir treize fils et trois filles ; seuls six d’entre eux survivent à leur père.

Charles Drelincourt est pasteur de l’Eglise de Paris pendant presque cinquante ans.

Pierre Bayle dit de son ministère :
« La bénédiction de Dieu qui se répandit sur son mariage par une fécondité non commune, ne se répandit pas moins sur son ministère. Ses prédications étaient fort édifiantes ; il était incomparable dans la consolation des malades ; et il s’employait avec un grand fruit aux affaires de son église, et même à celles des autres troupeaux, sur lesquelles il ne manquait jamais d’être consulté quand elles étaient importantes. On ne saurait dignement représenter les services qu’il a rendus à l’église par la fécondité de sa plume, soit que l’on regarde ses livres de dévotion, soit que l’on regarde ses livres de controverse. Il y a tant d’onction dans les premiers, l’esprit et les expressions de l’Ecriture y règnent de telle sorte, que les bonnes âmes y ont trouvé et y trouvent encore tous les jours une pâture merveilleuse. Ce qu’il a écrit contre l’église romaine a fortifié les protestants plus que l’on ne saurait dire; car, avec les armes qu’il leur a fournies, ceux même qui n’avaient aucune étude tenaient tête aux moines et aux curés, et prêtaient hardiment le collet aux missionnaires. Ses écrits l’ont fait regarder comme le fléau des controversistes catholiques, et néanmoins il était aimé dans l’autre parti. Les grands seigneurs de la religion lui témoignèrent toujours une considération très particulière. … »
C’est un auteur très prolixe ; outre trois tomes de sermons, il publie un grand nombre d’ouvrages polémiques ainsi qu’un Catéchisme (1642) et les bestsellers Le triomphe de l’Eglise sous la croix, ou la gloire des martyres (1629), qui a été réédité maintes fois et traduit en allemand, et surtout Les consolations des l’âme fidèle contre les frayeurs de la mort, avec les dispositions et préparations pour bien mourir (1651), qui a connu des dizaines de rééditions et qui a eu une large diffusion aussi dans sa traduction anglaise. Dans le même genre, on peut citer Les visites charitables, ou les Consolations chrétiennes pour toutes sortes de personnes affligées (1667-1669, en cinq volumes). 

Le 3 novembre 1669, six jours après avoir prêché pour la dernière fois, Charles Drelincourt meurt à Paris.

Parmi ses seize enfants, il y a plusieurs pasteurs et médecins de renom. On peut citer :
  • Laurent (1626-1680) l’aîné, pasteur comme son père, d’abord à La Rochelle, puis à Niort, jusqu’à sa mort ; il a laissé quelques sermons remarquables, mais surtout une collection de Sonnets chrétiens très célèbre.
  • Henri (1631-1676 ?) qui abandonne une carrière d’avocat pour devenir pasteur à Gien et à Fontainebleau ;
  • Charles (1633-1697) est un célèbre médecin et un anatomiste de renom. Après des études à Saumur, il est reçu docteur en médecine en 1654 et devient, en 1655, le médecin particulier de Turenne et, en 1659, le médecin ordinaire du roi. En 1668, il part pour Leyde, où il devient professeur de médecine à l’université. Pierre Bayle chante ses louanges, non seulement comme médecin mais aussi comme théologien et comme « honnête homme ».
  • Antoine (1641-1730), médecin en Suisse, notamment au service des seigneurs de Berne ;
  • Benjamin-Nicolas (1643- ?), mort pendant ses études de théologie à Genève ;
  • Pierre (1644-1722), qui s’installe en Angleterre comme prêtre de la Church of Ireland et accède à la dignité de doyen d’Armagh (Irlande du Nord) ;
  • Amélie-Charlotte, qui est emprisonnée à la Bastille avec son mari, Daniel de Malnoé, et leur fils aîné Charles en 1685 ; libérés en échange de leur abjuration, Daniel et son fils se réfugient à l’étranger, mais Amélie-Charlotte reste. Elle semble avoir entraînée sa mère, Marguerite Bolduc, qui abjure à son tour en 1686, deux années avant sa mort. La conversion d’Amélie-Charlotte étant jugée au-dessus de tout soupçon, elle réussit à se faire attribuer les biens des Drelincourt fugitifs en 1688.
Nous ne savons pas grand-chose sur ses autres enfants, à savoir Catherine (1626-1655 ?), Jean (1630-?), Daniel-Amaury (1634- ?), Henri-Théophile (1636-1638 ?), Gaspard (1637-?), Marguerite (1639- ?), Marie (1650-1652) – et deux autres dont nous ignorons même le nom –, si ce n’est qu’ils ne semblent pas avoir survécu à leur père.

Source principale : Pierre Bayle, Dictionnaire historique et critique, tome second, 1740, p. 309s


Egalement publié sur mon site consacré à la grande prédication française (ici).

jeudi 6 juin 2013

Michel Le Faucheur - Sermon sur l’échelle de Jacob




Le texte clé

Gn 18.12s : Alors il songea, et voici une échelle posée sur la terre, et le bout d’icelle touchait jusqu’aux cieux, et voici les anges de Dieu montaient et descendaient par icelle. Et voici, l’Eternel se tenait sur icelle et dit : Je suis l’Eternel, le Dieu d’Abraham ton père, et le Dieu d’Isaac, je donnerai la terre sur laquelle tu dors à toi et à ta postérité.

Contenu

Cette prédication part du constat de l’échec de l’homme déchu, qui se retrouve sur la terre maudite par Dieu, l’accès à Dieu lui étant désormais interdit. Heureusement, la miséricorde de Dieu a trouvé un remède, par l’incarnation du Fils qui constitue en quelque sorte une échelle entre ciel et terre, et c’est justement sous cette forme qu’ils s’est manifesté au patriarche Jacob. La présente prédication porte sur cette vision de « l’échelle de Jacob » (Gn 18.12s).

Le prédicateur estime que chaque mot compte dans ce texte : le temps auquel Dieu s’est révélé ainsi à Jacob, la forme particulière de la vision et les sentiments qui animent Jacob à son réveil.

Jacob reçoit cette vision alors qu’il a dû quitter la maison en attendant que les désirs de vengeance de son frère Esaü se calment. Il est seul, privé de sa famille et de son pays, et c’est alors que Dieu lui donne comme des arrhes de sa bienveillance.

Le Faucheur se livre à un petit tour d’horizon de la révélation par le songe dans les Ecritures. Jacob a bénéficie de trois visions de ce genre, dont celle-ci est, pour Le Faucheur, « la plus excellente en effet, tant pour la vision que pour l’oracle ».

Le prédicateur aborde les interprétations que les commentateurs juifs et chrétiens ont pu proposer. Pour lui, la vision de l’échelle a pour but d’assurer Jacob de la protection divine : « … selon ce sens, l’échelle était le voyage du Patriarche, qui se faisait voirement sur la terre, mais dont le but était le ciel, … Les Anges allaient et venaient, montant et descendant par les degrés de cette échelle, pour l’assurer qu’ils l’accompagneraient à l’aller et au retour, comme ordonnés de Dieu pour sa conservation et pour sa défense. » Mais l’usage que Jésus-Christ a pu faire de cette vision, dans son entretien avec Nathanaël, montre que la vision a une signification plus profonde encore. L’échelle représente le Seigneur lui-même, dans son humanité (l’échelle touche la terre) et dans sa divinité (le sommet de l’échelle atteint le ciel). Jacob bénéficie de la protection de Dieu dans la mesure où il est l’ancêtre du Christ, le moyen par lequel toutes les nations seraient bénies. Le Faucheur explique que l’ancienne alliance repose elle aussi sur l’œuvre du Fils : « Car jamais aucun n’a été réconcilié avec Dieu, que par le moyen de Jésus-Christ, et comme il n’a jamais eu qu’un seul Dieu, qui a toujours été le même sous le Vieil et sous le Nouveau Testament ; aussi n’y a-t-il jamais eu qu’un seul médiateur qui a toujours été le même, soit sous l’Ancienne, soit sous la Nouvelle Alliance, à savoir Jésus-Christ homme, lequel Dieu a proposé de tout temps pour propitiatoire par la foi en son sang. » Lui seul est capable de constituer cette échelle qui relie ciel et terre, Dieu et les hommes. Ni les saints, ni les anges, ni la Vierge Marie ne peuvent accomplir cette tâche. Le prédicateur s’en prend violemment à une vision d’un compagnon de St François qui avait vu deux échelles, celle du Christ et celle de Marie, cette dernière étant seule praticable pour les hommes.

Dans l’application, Le Faucheur s’adresse aux huguenots chassés de chez eux et leur conseille de prendre Jacob pour exemple. Lui aussi, quoique jouant un rôle central dans l’histoire du salut, se trouvait dans la même peine et devait apprendre de ne pas s’attacher aux choses de ce monde. Il avertit ceux qui vivent encore en sécurité de pas se fier à cet état de choses : « … reconnaissant en votre conscience de combien d’ingratitudes et de péchés vous êtes coupables envers [Dieu], préparez vous, avec humilité, patience, et douceur d’esprit, à tout ce qu’il lui plaira de vous envoyer … »

Le prédicateur attire ensuite l’attention de ses auditeurs sur l’attitude du patriarche qui se reposait sur la bonté de Dieu et la protection de sa providence. La vision que Dieu lui offre le revigore, et les fidèles qui l’imitent dans cette attitude seront récompensés de la même façon. Le rêve de Jacob lui a procuré une réelle consolation, et il en sera de même pour ceux qui espèrent en les promesses de Dieu : « ainsi, encore que les promesses que nous vous faisons de la part de Dieu, de son assistance dans vos malheurs, de la restauration future de son Eglise, et principalement de la gloire et de la béatitude éternelle qui vous est préparée au ciel, semblent, au prix des avantages présents et réels des impies, n’être que des paroles, des imaginations, et des songes ; assurez-vous, qu’elles s’accompliront à la fin, jusqu’à la moindre circonstance, et que les songes des fidèles se trouveront, au bout du compte, plus solides que tout ce que les profanes estiment de plus réel au monde. » La parole et la Sainte Cène constituent une réelle consolation pour les enfants de Dieu.

Pour en bénéficier, il faut cependant ressembler à Jacob et non pas à son mauvais frère Esaü. Ceux qui sont violents et remplis de mauvais désirs comme Esaü ne sauraient prétendre à la grâce divine, mais ceux qui, comme Jacob, cherchent d’abord le règne de Dieu et se confient en son amour sont protégés par lui. C’est à eux qu’appartiennent les promesses de l’Evangile et les grâces offertes en la Cène.


L’importance du sermon

Un thème qui est abordé en profondeur dans ce sermon, c’est celui de l’incarnation. On trouve une remarque intéressante à cet égard chez Françoise Chevalier, Prêcher sous l’Edit de Nantes, Labor et Fides, 1994, p. 117 :
« Dans les définitions qu’ils proposent de l’Incarnation, les pasteurs mettent l’accent sur la manifestation aux hommes et dans le monde de la miséricorde de Dieu. Ils ont là le moteur de leur exhortation à aimer et servir Dieu en reconnaissance de Ses bienfaits. L’exemple de son amour doit inviter le fidèle à adorer Dieu comme son créateur et son sauveur. […] Pierre Allix parle […] au cœur et à la sensibilité, Michel Lefaucheur préfère en appeler à la métaphore biblique, l’Incarnation est l’échelle que Jacob vit en songe. Il ne met plus l’accent, comme le faisait son collègue de Charenton, sur les motifs de l’Incarnation et sur l’obligation qui en résulte pour l’homme, mais sur les bénéfices qui en découlent. Ils sont au nombre de deux, cette échelle vient remédier à la faiblesse et à la corruption de la nature humaine, elle est aussi le chemin de la réconciliation entre la terre et le ciel. Alors que l’homme était condamné par la Loi, le Christ est venu pour notre infirmité. … »

Structure

Le Faucheur indique lui-même le plan qu’il s’est fixé : 
« En ces paroles, comme en toutes les autres de l’Ecriture, il n’y a rien d’inutile et qui ne mérite une bien expresse et bien attentive considération, soit pour le temps auquel Dieu a fait voir cette vision à Jacob, soit pour la façon en laquelle il la lui a proposée, soit pour la vision même, soit pour l’oracle que Dieu lui a lui-même prononcé, soit pour les saintes et religieuses émotions qu’il en a ressenties à son réveil. » 
La transition vers l’application est abrupte 
« … Il nous faudrait passer maintenant à la considération des paroles que Dieu dit à son serviteur : mais l’heure qui est écoulée, et la longueur de l’action que nous avons à faire, nous contraint d’arrêter ici et de vous exhorter à appliquer à l’instruction et à la consolation de vos âmes tout ce que nous venons de vous dire. »
L’application semble se diviser en trois parties : (1) l’exhortation à l’acceptation des souffrances que la providence de Dieu réserve aux siens ; (2) l’invitation à la confiance en Dieu ; et (3) l’exigence d’une vie sanctifiée, car c’est à ceux qui vivent une vie qui plaise à Dieu qu’appartiennent les promesses de l’Evangile.


Le style

La prédication est relativement courte par rapport aux habitudes de l’époque (notre enregistrement dure un peu moins de trois quarts d’heure) mais le style est assez animé, Le Faucheur semble pressé ; on ressent bien ce que Vinet (Histoire de la prédication parmi les Réformés de France au dix-septième siècle, Ch. Meyrueis, Paris, 1860, p. 118) a appelé « sa marche continue et rapide, son style éminemment actif ». A noter également la langue relativement peu archaïque ; le lecteur moderne n’a besoin que de peu d’annotations explicatives.

Eléments oratoires

Bien que Le Faucheur s’intéressait beaucoup à l’art oratoire et a rédigé tout un traité à ce sujet, sa prédication ne donne pas beaucoup dans les effets rhétoriques. Ici et là, on devine une grande puissance oratoire, comme par exemple lorsqu’il fustige la malheureuse vision de Léon, disciple de St François.

Points forts

Il me semble que Le Faucheur est un théologien solide et clair ; j’ai particulièrement apprécié sa saine théologie de l’expiation sous l’ancienne alliance. L’interprétation christologique de l’échelle de Jacob semble également heureuse. Sur un plan plus pastoral, son souci d’avoir une parole pour les différents groupes de ses paroissiens (cf. son exhortation aux réfugiés de Montpellier, de Nîmes et d’Anduze) est touchant.

Faiblesses

Une chose que je reprocherais à ce sermon, c’est sa vision très peu scripturaire du jeune Jacob. Celui-ci apparaît ici comme un exemple de vertu, de confiance en Dieu et de haute spiritualité. Or la Genèse nous présente plutôt une crapule opportuniste qui triche de manière éhontée pour obtenir la bénédiction paternelle et que Dieu doit faire passer par sa dure école avant que Jacob ne devienne Israël. Si Dieu a préféré Jacob à Esaü, ce n’est pas à cause de ses vertus ; ce choix a son origine en Dieu, comme l’élection en général. Il me semble que Le Faucheur, ou bien n’a pas assez vu cela, ou bien a forcé le trait afin de coller au message qu’il souhaitait délivrer.




Egalement publié sur mon site consacré à la grande prédication française (ici) où l'on trouve également un enregistrement audio du sermon.